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Cote : g226_2_f_012__r_do__ | ID_folio : 319 | ID_Transcription : 3066 | ID_Image : 956
DOCUMENTS POUR SERVIR À L’HISTOIRE
DE LA PRÉSIDENCE DE M. L.-N. BONAPARTE
INovembre 1848MANIFESTE AUX ÉLECTEURS« Pour me rappeler de l’exil vous m’avez nommé représentant du peuple. À la veille d’élire le premier magistrat de la République, mon nom se présente à vous comme symbole d’ordre et de sécurité.Ces témoignages d’une confiance si honorable s’adressent, je le sais, bien plus à ce nom qu’à moi même, qui n’ai rien fait encore pour mon pays : mais plus la mémoire de l’Empereur me protège et inspire vos suffrages, plus je me sens obligé de vous faire connaître mes sentiments et mes principes. Il ne faut pas qu’il y ait d’équivoque entre vous et moi.Je ne suis pas un ambitieux qui rêve tantôt l’empire et la gloire, tantôt l’application de théories subversives. Elevé dans des pays libres à l’école du malheur, je resterai toujours fidèle aux devoirs que m’imposeront vos suffrages et les volontés de l’Assemblée.Si j’étais nommé président, je ne reculerais devant aucun danger, devant aucun sacrifice, pour défendre la société si audacieusement attaquée ; je me dévouerais tout entier, sans arrière-pensée, à l’affermissement d’une République sage par ses lois, honnête par ses intentions, grande et forte par ses actes.Je mettrais mon honneur à laisser, au bout de quatre ans, à mon successeur, le pouvoir affermi, la liberté intacte, un progrès réel accompli.Quel que soit le résultat de l’élection, je m’inclinerai devant la volonté du peuple, et mon concours est acquis d’avance à tout gouvernement juste et ferme qui rétablisse l’ordre dans les esprits comme dans les choses ; qui protège efficacement la religion, la famille, la propriété, bases éternelles de tout état social : qui provoque les réformes possibles, calme les haines, réconcilie les partis, et permette ainsi à la patrie inquiète de compter sur un lendemain. Rétablir l’ordre, c’est ramener la confiance, pourvoir par le crédit à l’insuffisance passagère des ressources, restaurer les finances, ranimer le commerce. Protéger la religion et la famille, c’est assurer la liberté des cultes et la liberté de l’enseignement.Protéger la propriété, c’est maintenir l’inviolabilité des produits de tous les travaux ; c’est garantir l’indépendance et la sécurité de la possession, fondement indispensables de la liberté civile.Quant aux réformes possibles, voici celles qui me paraissent le plus urgentes :Admettre toutes les économies qui, sans désorganiser les services publics, permettent la diminution des impôts les plus onéreux au peuple : encourager les entreprises qui, en développant les richesses de l’agriculture, peuvent, en France et en Algérie, donner du travail aux bras inoccupés ; pourvoir à la vieillesse des travailleurs par des institutions de prévoyance ; introduire dans nos lois industrielles les modifications qui tentent, non à ruiner le riche au profit du pauvre, mais à fonder le bien-être de chacun sur la prospérité de tous.Restreindre dans de justes limites le nombre des emplois qui dépendent du pouvoir, et qui souvent font d’un peuple libre un peuple de solliciteurs.Eviter cette tendance funeste qui entraîne l’État à exécuter lui-même ce que les particuliers peuvent faire aussi bien et mieux que lui. La centralisation des intérêts et des entreprises est dans la nature du despotisme. La nature de la République repousse le monopole. Enfin, préserver la liberté de la presse des deux excès qui la compromettent toujours : l’arbitraire et sa propre licence.Avec la guerre, point de soulagement à nos maux. La paix serait donc le plus cher de mes désirs. La France, lors de sa première révolution, a été guerrière, parce qu’on l’avait forcée de l’être. A l’invasion, elle répondit par la conquête. Aujourd’hui qu’elle n’est pas provoquée, elle peut consacrer ses ressources aux améliorations pacifiques, sans renoncer à une politique loyale et résolue. Une grande nation doit se taire ou ne jamais parler en vain.Songer à la dignité nationale, c’est songer à l’armée, dont le patriotisme si noble et si désintéressé a été souvent méconnu. Il faut, tout en maintenant les lois fondamentales de notre organisation militaire, alléger et non aggraver le fardeau de la conscription. Il faut veiller au présent et à l’avenir, non seulement des officiers, mais aussi des sous-officiers et des soldats, et préparer aux hommes qui ont servi longtemps sous les drapeaux une existence assurée.Telles sont, mes chers concitoyens, les idées que j’apporterais dans l’exercice du pouvoir, si vous m’appeliez à la présidence de la République.La tâche est difficile, la mission immense, je le sais ! Mais je ne désespérais pas de l’accomplir en conviant à l’œuvre, sans distinction de parti, les hommes que recommandent à l’opinion publique leur haute intelligence et leur probité.D’ailleurs, quand on a l’honneur d’être à la tête du peuple français, il y a un moyen infaillible de faire le bien, c’est de le vouloir.Signé, LOUIS-NAPOLÉON  BONAPARTE
II20 décembre 1848DISCOURS À L’ASSEMBLÉE« Citoyens représentants,
Les suffrages de la nation et le serment que je viens de prêter commandent ma conduite future. Mon devoir est tracé ; je le remplirai en homme d’honneur. Je verrai des ennemis de la patrie dans tout ceux qui tenteraient de changer, par des voies illégales, ce que la France entière a établi.
Entre vous et moi, citoyens représentants, il ne saurait y avoir de véritables dissentiment. Nos volontés, nos désirs sont les mêmesJe veux, comme vous, rasseoir la société sur ses bases, affermir les institutions démocratiques, et rechercher tous les moyens propres à soulager les maux de ce peuple généreux et intelligent, qui vient de me donner un témoignage si éclatant de sa confiance.La majorité que j’ai obtenue, non seulement me pénètre de reconnaissance, mais elle donnera au gouvernement nouveau la force morale sans laquelle il n’y a pas d’autorité.Avec la paix et l’ordre, notre pays peut se relever, se guérir de ses plaies, ramener les hommes égarés et calmer les passions.Animé de cet esprit de conciliation, j’ai appelé près de moi des hommes honnêtes, capables et dévoués au pays, assuré que, malgré les diversités d’origine politique, ils sont d’accord pour concourir avec vous à l’application de la Constitution, au perfectionnement des lois, à la gloire de la République.La nouvelle administration, en entrant aux affaires, doit remercier celle qui la précède des efforts qu’elle a faits pour transmettre le pouvoir intact, pour maintenir la tranquillité publique.La conduite de l’honorable général Cavaignac a été digne de la loyauté de son caractère et de ce sentiment du devoir qui est la première qualité du chef d’un État. Nous avons, citoyens représentants, une grande mission à remplir, c’est de fonder une République dans l’intérêt de tous, et un gouvernement juste, ferme, qui soit animé d’un sincère amour du progrès sans être RÉACTIONNAIRE ou UTOPISTE.Soyons les hommes du pays, non les hommes d’un parti, et, Dieu aidant, nous ferons du moins le bien, si nous ne pouvons faire de grandes choses. »
III6 juin 1849MESSAGE« Messieurs les représentants,Mon élection à la première magistrature de la République avait fait naître des espérances qui n’ont point encore pu se réaliser.Jusqu’au jour où vous vous êtes réunis dans cette enceinte, le pouvoir exécutif ne jouissait pas de la plénitude de ses prérogatives constitutionnelles. Dans une telle position, il lui était difficile d’avoir une marche bien assurée,Néanmoins, je suis resté fidèle à mon manifeste.A quoi, en effet, me suis-je engagé en acceptant le suffrage de la nation ?A défendre la société audacieusement attaquée.A affermir une République sage, grande, honnête.A protéger la famille. la religion, la propriété.A provoquer toutes les améliorations et toutes les économies possibles.A protéger la presse contre l’arbitraire et la licence.A diminuer les abus de la centralisation. A effacer les traces de nos discordes civiles.Enfin, à adopter à l’extérieur une politique sans arrogance comme sans faiblesse.Le temps et les circonstances ne m’ont permis d’accomplir tous ces engagements ; cependant de grands pas ont été faits dans cette voie.Le premier devoir du gouvernement était de consacrer, tous ces efforts au rétablissement de la confiance, qui ne pouvait être complète que sous un pouvoir définitif. Le défaut de sécurité dans le présent,de foi dans l’avenir, détruit le crédit, arrête le travail, diminue les revenus publics et privés, rend les emprunts impossibles et tarit les sources de la richesse.Avant d’avoir ramené la confiance, on aurait beau recourir à tous les système de crédit comme aux expédients les plus révolutionnaires, on ne ferait pas renaître l’abondance là où la crainte et la défiance du lendemain ont produit la stérilité.Notre politique étrangère elle-même ne pouvait être à la hauteur de notre puissance passée, qu’autant que nous aurions reconstitué à l’intérieur ce qui fait la force des nations, l’union des citoyens, la prospérité de nos finances.Pour atteindre ce but, le gouvernement n’a eu qu’à suivre une marche ferme et résolue, en montrant à tous que, sans sortir de la légalité, il emploierait les moyens les plus énergiques pour rassurer la société.Partout aussi il s’efforçait de rétablir le prestige de l’autorité, en mettant tous ses soins à appeler aux fonctions publiques les hommes qu’il jugeait les plus honnêtes et les plus capables, sans s’arrêter à leurs antécédents politiques.... Vous voyez que nos préoccupations sont graves, nos difficultés grandes, et qu’il nous reste aujourd’hui, au dedans comme au dehors, bien des questions importantes à résoudre. Fort de votre appui et de celui de la nation, j’espère néanmoins m’élever à la hauteur de ma tâche, en suivant une marche nette et précise.Cette marche consiste à prendre hardiment l’initiative de toutes les améliorations, de toutes les réformes qui peuvent contribuer ou bien-être de tous, et, d’un autre côté, à réprimer, par la sévérité des lois devenues nécessaires, les tentatives de désordre et d’anarchie qui prolongent le malaise général. Vous ne bercerez pas le peuple d’illusions et d’utopies qui n’exaltent les imaginations que pour aboutir à la déception et à la misère. Partout où j’apercevrai une idée féconde en résultats pratiques, je la ferai étudier, et, si elle est applicable, je vous proposerai de l’appliquer.La principale mission d’un gouvernement républicain surtout, c’est d’éclairer, et, par la manifestation de la vérité, de dissiper l’état trompeur que l’intérêt personnel des partis fait briller. Un fait malheureux se retrouve à chaque page de l’histoire, c’est de voir que plus les maux d’une société sont réels et patents aux yeux des bons esprits, plus une minorité aveugle se lance dans l’enthousiasme des théories.Au commencement du dix-huitième siècle, ce n’était pas pour le triomphe des idées insensées de quelques fanatiques, prenant le peuple pour texte et pour excuse de leurs folies, que le peuple anglais lutta pendant quarante ans, mais pour la suprématie de sa religion. De même, après 89, ce n’était pas pour les idées de Babœuf, ou de tel autre sectaire, que la société fut bouleversée, mais pour l’abolition des privilèges, pour la division de la propriété, pour l’égalité devant la loi, pour l’admission de tous aux emplois.Eh bien ! Encore aujourd’hui, ce n’est pas pour l’application des théories inapplicables ou d’avantages imaginaires, que la révolution s’est accomplie, mais pour avoir un gouvernement qui, résultat de la volonté de tous, soit plus intelligent des besoins du peuple, et puisse conduire sans préoccupation dynastique les destinées du pays.Notre devoir est donc de faire la part entre les idées fausses et les idées vraies qui sortent d’une révolution ; puis, cette séparation faite, il faut se mettre à la tête des unes et combattre courageusement les autres, la vérité se trouvera en faisant appel à toutes les intelligences, en ne repoussant rien avant de l’avoir approfondi, en adoptant tout ce qui aura été soumis à l’examen des hommes compétents, et qui aura subi l’épreuve de la discussion.D’après ce que je viens d’exposer, deux sortes de lois seront présentées à votre appréciation : les unes pour introduire partout des améliorations réelles. Parmi celles-ci, j’indiquerai les suivantes :Loi sur les institutions de secours et de prévoyance, afin d’assurer aux classes laborieuses un refuge contre les conséquences de la suspension des travaux, des infirmités et de la vieillesse.Loi sur la réforme du régime hypothécaire. Il faut qu’une institution nouvelle vienne féconder l’agriculture en lui apportant d’utiles ressources, en facilitant ses emprunts. Elle préludera à la formation d’établissemens de crédit à l’instar ce ceux qui existent dans les divers États de l’Europe.Loi sur l’abolition de la prestation en nature.Loi sur la subvention en faveur des associations ouvrières et comices agricoles.Loi sur la défense des indigents, qui n’est pas suffisamment assurée dans notre législation. La justice, qui est une dette de l’État, et qui, par conséquent, est gratuite, se trouve environnée de formalités onéreuses qui en rendent l’accès difficile aux citoyens pauvres et ignorants. Leurs droits et leurs intérêts ne sont pas assez protégés ; sous l’empire de notre Constitution démocratique, cette anomalie doit disparaître.Enfin, une loi est préparée ayant pour but d’améliorer la pension de retraite des sous-officiers et soldats, et d’introduire dans la loi sur le recrutement de l’armée les modifications dont l’expérience a démontré l’utilité.Indépendamment de ces projets, vous aurez à vous occuper des lois organiques que la dernière assemblée n’a pas eu le temps d’élaborer, et qui sont le complément nécessaire de la Constitution.Ce qui précède suffit, je l’espère, pour vous prouver que mes intentions sont conformes aux vôtres. Vous voulez, comme moi, travailler au bien-être de ce peuple qui nous a élus, à la gloire, à la prospérité de la patrie. Comme moi, vous pensez que les meilleurs moyens d’y parvenir ne sont pas la violence et la ruse, mais la fermeté et la justice. La France se confie au patriotisme des membres de l’Assemblée. Elle espère que la vérité, dévoilée au grand jour de la tribune, confondra le mensonge et désarmera l’erreur. De mon côté, le pouvoir exécutif fera son devoir.J’appelle sous le drapeau de la République et sur le terrain de la Constitution tous les hommes dévoués au salut du pays. Je compte sur leur concours et sur leurs lumières pour m’éclairer, sur la protection de Dieu pour accomplir ma mission.LOUIS-NAPOLÉON-BONAPARTE »IV31 octobre 1849MESSAGE« Monsieur le président,Dans les circonstances graves où nous nous trouvons, l’accord qui doit régner entre les différens pouvoirs de l’État ne peut se maintenir que si, animés d’une confiance mutuelle, ils s’expliquent franchement l’un vis à vis de l’autre. Afin de donner l’exemple de cette sincérité, je viens faire connaître à l’Assemblée quelles sont les raisons qui m’ont déterminé à changer le ministère, et à me séparer d’hommes dont je me plais à proclamer les services éminens, et auxquels j’ai voué amitié et reconnaissance.Pour raffermir la République menacée de tant de côtés par l’anarchie, pour assurer l’ordre plus efficacement qu’il ne l’a été jusqu’à ce jour, pour maintenir à l’extérieur le nom de la France à la hauteur de sa renommée, il faut des hommes qui, animés d’un dévoûment patriotique, comprennent la nécessité d’une direction unique et ferme, et d’une politique nettement formulée ; qui ne compromettent le pouvoir par aucune irrésolution : qui soient aussi préoccupés de ma propre responsabilité que de la leur, et DE L’ACTION que de la parole.Depuis bientôt un an, j’ai donné assez de preuves d’abnégation pour qu’on ne se méprenne pas sur mes intentions véritables. Sans rancune contre aucune individualité, contre aucun parti, j’ai laissé arriver aux affaires les hommes d’opinions les plus diverses, mais sans obtenir les heureux résultats que j’attendais de ce rapprochement. Au lieu d’opérer une fusion de nuances, je n’ai obtenu qu’une neutralisation de forces. L’unité de vues et d’intentions a été entravée, l’esprit de conciliation pris pour de la faiblesse.A peine les dangers de la rue étaient-ils passés, qu’on a vu les partis relever leur drapeau, réveiller leurs rivalités et alarmer le pays en semant l’inquiétude. Au milieu de cette confusion, La France inquiéte parce qu’elle ne voit pas de direction, cherche la main, la volonté, le drapeau de l’Elu du 10 décembre. Or, cette volonté ne peut être sentie que s’il y a communauté entière d’idées, de vues, de convictions, entre le Président et ses ministres, et si l’Assemblée s’associe elle-même à la pensée nationale dont l’élection du pouvoir exécutif a été l’expression.Tout un système a triomphé au 10 décembre, car le nom de Napoléon est, a lui seul, tout un programme. Il veut dire : A l’intérieur, ordre, autorité, religion, bien-être du peuple ; à l’extérieur, dignité nationale. C’est cette politique inaugurée par mon élection que je veux faire triompher avec l’appui de l’Assemblée et celui du peuple. Je veux être digne de la confiance de la nation, en maintenant la Constitution que J'AI  JURÉE. Je veux inspirer au pays par ma loyauté, ma persévérance et ma fermeté, une confiance telle que les affaires reprennent et qu’on ait foi dans l’avenir.La lettre d’une Constitution a sans doute une grande influence sur les destinées d’un pays, mais la manière dont elle est exécutée en exerce peut-être une plus grande encore. Le plus ou moins de durée du pouvoir contribue, certes, puissamment à la stabilité des choses : mais c’est aussi par les idées et les principes que le gouvernent sait faire prévaloir, que la Société se rassure.Relevons donc l’autorité sans inquiéter la vraie liberté. Calmons les craintes en domptant hardiment les mauvaises passions et en donnant à tous les nobles instincts une direction utile. Affermissons le principe religieux, sans rien abandonner des conquêtes de la révolution, et nous sauverons le pays malgré les partis, les ambitions et même les imperfections que nos institutions pourraient renfermer.L.  NAPOLÉON-BONAPARTE »V12 novembre 1850MESSAGE« Malgré la difficulté des circonstances, la loi, l’autorité ont recouvré à tel point leur empire, que personne ne croit désormais au succès de la violence. Mais aussi, plus les craintes sur le présent disparaissent, plus les esprits se livrent avec entraînement aux préoccupations de l’avenir. Cependant, la France veut avant tout le repos. Encore émue des dangers que la société a courus, elle reste étrangère aux querelles de partis ou d’hommes, si mesquines en présence des grands intérêts qui sont en jeu.J’ai souvent déclaré, lorsque l’occasion s’est offerte d’exprimer publiquement ma pensée, que je considérais comme de grands coupables ceux qui, par ambition personnelle, compromettraient le peu de stabilité que nous garantit la Constitution. C’est ma conviction profonde, elle n’a jamais été ébranlée. Les ennemis seuls de la tranquillité publique ont pu dénaturer les plus simples démarches que naissent de ma position.Comme premier magistrat de la République, j’étais obligé de me mettre en relation avec le clergé, la magistrature, les agriculteurs, les industriels, l’administration, l’armée et je me suis empressé de saisir toutes les occasions de leur témoigner ma sympathie et ma reconnaissance pour le concours qu’ils me prêtent, et surtout, si mon … comme mes efforts ont concouru à raffermir l’esprit de l’armée, de laquelle je dispose seul, d’après les termes de la Constitution, c’est un service, j’ose le dire, que je crois avoir rendu au pays, car toujours j’ai fait tourner au profit de l’ordre mon influence personnelle.La règle invariable de ma vie politique sera, dans toutes les circonstances, de faire mon devoir, rien que mon devoir.Il est aujourd’hui permis à tout le monde, excepté à moi, de vouloir hâter la révision de notre loi fondamentale. Si la Constitution renferme des vices et des dangers, vous êtes tous libres de les faire ressortir aux yeux du pays. Moi seul, lié, par mon serment, je me renferme dans les strictes limites qu’elle a tracées.Les conseils généraux ont en grand nombre émis le vœu de la révision de la Constitution. Ce vœu ne s’adresse qu’au pouvoir législatif. Quant à moi, élu du peuple, ne relevant que de lui, je me conformerai toujours à ses volontés légalement exprimées.L’incertitude de l’avenir fait naître, je le sais, bien des appréhensions et réveillant bien des espérances. Sachons tous faire à la patrie le sacrifice de ces espérances, et ne nous occupons que de ses intérêts. Si dans cette session vous votez la révision de la Constitution, une Constitution viendra refaire nos lois fondamentales et régler le sort du pouvoir exécutif. Si vous ne la votez pas, le peuple, en 1852, manifestera solennellement l’expression de sa volonté nouvelle.Mais quelles que puissent être les solutions de l’avenir, entendons-nous, afin que ce ne soit jamais la passion, la surprise ou la violence qui décident du sort d’une grande nation ; inspirons au peuple l’amour du repos, en mettant du calme dans nos délibérations ; inspirons-lui la religion du droit, en ne nous en écartant jamais nous-mêmes ; et alors, croyez-le, le progrès des mœurs politiques compensera le danger d’institutions créées dans des jours de défiances et d’incertitudes.Ce qui me préoccupe surtout, soyez-en persuadés, ce n’est pas de savoir qui gouvernera la France en 1852, c’est d’employer le temps dont je dispose de manière à ce que la transition, quelle qu’elle soit, se fasse sans agitation et sans trouble.Le but le noble et le plus digne d’une âme élevée n’est point de rechercher, quand on est au pouvoir, par quels expédients elle s’y perpétuera, mais de veiller sans cesse aux moyens de consolider, à l’avantage de tous, les principes d’autorité et de morale qui défient les passions des hommes et l’instabilité des lois.Je vous ai loyalement ouvert mon cœur, vous répondrez à ma franchise par votre confiance, à mes bonnes par votre concours, et Dieu fera le reste.LOUIS-NAPOLÉON-BONAPARTEElysée-National, le 12 novembre 1850 »VI24 janvier 1851MESSAGE« Monsieur le président,L’opinion publique, confiante dans la sagesse de l’Assemblée et du gouvernement, ne s’est pas émue des derniers incidens. Néanmoins, la France commence à souffrir d’un désaccord quelle déplore. Mon devoir est de faire ce qui dépendra de moi pour en prévenir les résultats fâcheux.L’union des deux pouvoirs est indispensable au repos du pays : mais, comme la Constitution les a rendus indépendans, la seule condition de cette union est une confiance réciproque.Pénétré de ce sentiment, je respecterai toujours les droits de l’Assemblée, en maintenant intactes les prérogatives du pouvoir que je tiens du peuple.Pour ne point prolonger une dissidence pénible, j’ai accepté, après le vote récent de l’Assemblée, la démission d’un ministère qui avait donné au pays et à la cause de l’ordre des gages éclatans de son dévoûment. Voulant toutefois reformer un cabinet avec des chances de durée, je ne pouvais prendre ses élémens dans une majorité née de circonstances exceptionnelles, et je me suis vu, à regret, dans l’impossbilité de trouver une combinaison parmi les membres de la minorité malgré son importance.Dans cette conjoncture, et après de vaines tentatives, je me suis résolu à former un ministère de transition, composé d’hommes spéciaux n’appartenant à aucune fraction de l’Assemblée, et décidés à se livrer aux affaires sans préoccupation de parti. Les hommes honorables qui acceptent cette tâche patriotique auront des droits à la reconnaissance du pays.L’administration continuera donc comme par le passé. Les préventions se dissiperont au souvenir des déclarations solennelles du Message du 12 novembre. La majorité réelle se reconstituera. L’harmonie sera rétablie, sans que les deux pouvoirs aient rien sacrifié de la dignité qui fait leur force.La France veut avant tout le repos, et elle attend de ceux qu’elle a investis de sa confiance une conciliation sans faiblesse, une fermeté calme, l’impassibilité dans le droit.Agréez, monsieur le président, l’assurance de mes sentimens de haute estime.Signé : LOUIS-NAPOLÉON-BONAPARTE »VII4 novembre 1851MESSAGE« Vous venez d’entendre l’exposé fidèle de la situation du pays. Elle offre pour le passé des résultats satisfaisants. Néanmoins, un état de malaise général tend chaque jour à s’accroîte ; partout le travail se ralentit, la misère augmente, les intérêts s’effraient et les espérances anti-sociales s’exhalent à mesure que les pouvoirs publics affaiblis approchent de leur terme.Dans un tel état de choses, la première préoccupation du gouvernement doit être de rechercher les moyens de conjurer les périls et d’assurer les meilleures chances de salut.Déjà dans, mon dernier Message, mes paroles à ce sujet, je m’en souviens avec orgueil, furent favorablement accueillies par l’Assemblée. Je vous disais : « L’incertitude de l’avenir fait naître bien des appréhensions en réveillant bien des espérances. Sachons tous faire à la patrie le sacrifice de ces espérances, et ne nous occupons que de ses intérêts. Si, dans cette session, vous votez la révision de la Constitution, une Constituante viendra refaire nos lois fondamentales et régler le sort du pouvoir exécutif.Si vous ne la votez pas, le peuple, en 1852, manifestera solennellement l’expression de sa volonté nouvelle : mais, quelles que puissent être les solutions de l’avenir, entendons-nous, afin que ce ne soijamais la passion, la surprise ou la violence, qui dét cident d’une grande nation. »Aujourd’hui, les questions sont les mêmes, et mon devoir n’a pas changé. C’est de maintenir l’ordre inflexiblement : c’est de faire disparaître toute cause d’agitation, afin que les résolutions qui décideront de notre sort soient conçues dans le calme et adoptées sans contestation.Les résolutions ne peuvent émaner que d’un acte décisif de la souveraineté nationale, puisqu’elles ont toutes pour base l’élection populaire. Eh bien ! Je me suis demandé s’il fallait, en présence du délire des passions, de la confusion des doctrines, de la division des partis, alors que tout se ligue pour enlever à la morale, à la justice, à l’autorité, leur dernier prestige ; s’il fallait, dis-je, laisser ébranler incomplet le seul principe qu’au milieu du chaos général la Provoidence ait maintenu debout pour nous rallier ? Quand le suffrage universel a relevé l’édifice social, par cela même qu’il substituait un droit à un fait révolutionnaire, est- il sage d’en restreindre plus longtemps la base ? Enfin je me suis demandé si, lorsque des pouvoirs nouveaux viendront présider aux destinées du pays, ce n’était pas d’avance compromettre stabilité que de laisser un prétexte de discuter leur origine et de contester leur légitimité ?Le doute n’était pas possible, et sans vouloir m’écarter un seul instant de la politique d’ordre que j’ai toujours suivie, je me suis vu obligé, bien à regret, de me séparer d’un ministère qui avait toute ma confiance et mon estime, pour en choisir un autre composé également d’hommes honorables connus par leurs sentimens conservateurs, mais qui voulussent admettre la nécessité de rétablir le suffrage universel sur la base la plus large possible.Il vous sera donc présenté un projet de loi qui restitue au principe toute sa plénitude, en conservant de la loi du 31 mai ce qui dégage le suffrage universel d’élémens impurs et en rend l’application plus morale et plus régulière. Ce projet n’a donc rien qui puisse blesser cette Assemblée, car si je crois utile de lui demander aujourd’hui le retrait de la loi du 31 mai, je n’entends pas renier l’approbation que je donnai alors à l’initiative prise par le ministère, qui réclama des chefs de la majorité, dont cette loi était l’œuvre, l’honneur de la présenter. Je reconnais même les effets salutaires qu’elle a produits, en me rappelant les circonstances dans lesquelles elle fut présentée. On avouera que c’était un acte politique bien plus qu’une loi électorale, une véritable mesure de salut public, et toutes les fois que la majorité me proposer des moyens énergiques de sauver le pays, elle peut compter sur mon concours loyal et désintéressé. Mais les mesures de salut public n’ont qu’un temps limité.La loi « lu 31 mai, dans son application, a même dépassé le but qu’on pensait atteindre ; personne ne prévoyait la suppression de trois millions d’électeurs, dont les deux tiers sont habitants paisibles des campagnes. Qu’en est-il résulté ? C’est que cette immense exclusion a servi de prétexte au parti anarchique, qui couvre ses détestables desseins de l’apparence d’un droit ravi et à reconquérir. Trop inférieur en nombre pour s’emparer de la société par le vote, il espère, à la faveur de l’émotion générale et au déclin des pouvoirs, faire naître, sur plusieurs points de la France à la fois, des troubles qui seraient réprimés sans doute, mais qui nous jetteraient dans de nouvelles complications.Indépendamment de ces périls, la loi du 31 mai, comme loi électorale, présente de graves inconvénients.Je n’ai pas cessé de croire qu’un jour viendrait où il serait de mon devoir d’en demander l’abrogation. Déficiente en effet lorsqu’elle est appliquée à l’élection d’une Assemblée, elle l’est bien davantage lorsqu’il s’agit de la nomination du président, car si une résidence de trois ans dans la commune a pu paraître une garantie de discernement imposée aux électeurs pour reconnaître les hommes qui doivent les représenter, une résidence aussi prolongée ne saurait être nécessaire pour apprécier le candidat destiné à gouverner la France.Une autre objection grave est celle-ci : la Constitution exige, pour la validité de l’élection du président par le peuple, deux millions au moins de suffrages ! Et, s’il ne réunit pas ce nombre, c’est à l’Assemblée qu’est conféré le droit d’élire. La Constituante avait donc décidé que sur dix millions de votants portés alors sur la liste, il suffisait du cinquième pour valider l’élection. Aujourd’hui, le nombre des électeurs se trouvant réduit à sept millions, en exiger deux, c’est intervertir la proportion : c’est-à-dire demander presque le tiers au lieu du cinquième, et ainsi, dans une certaine éventualité, ôter l’élection au peuple pour la donner à l’Assemblée. C’est donc changer positivement les conditions d’éligibilité du président de la République.Enfin, j’appelle votre attention particulière sur une autre raison, décisive peut-être.Le rétablissement du suffrage universel sur la base principale donne une chance de plus d’obtenir la révision de la Constitution.Vous n’avez pas oublié pourquoi, dans la session dernière, les adversaires de cette révision se refusaient à la voter. Ils s’appuyaient sur cet argument qu’ils savaient rendre spécieux : la Constitution, disaient-ils, œuvre d’une Assemblée issue du suffrage universel, ne peut pas être modifiée par une Assemblée issue du suffrage restreint.Que ce soit là un motif réel ou un prétexte, il est bon de l’écarter et de pouvoir dire à ceux qui veulent lier le pays a une Constitution immuable : Voilà le suffrage universel rétabli ; la majorité de l’Assemblée soutenue par deux millions de pétitionnaires, par le plus grand nombre des conseils d’arrondissement, par la presque unanimité des conseils généraux, demande la révision du pacte fondamental ; avez-vous moins de confiance que nous dans l’expression de la volonté populaire ? La question se résume donc ainsi pour tous ceux qui souhaitent le dénouement pacifique des difficultés du jour.La loi du 31 mai a ses imperfections ; mais fut-elle parfaite ne devrait-on pas également l’abroger si elle doit empêcher la révision de la Constitution, ce vœu manifeste du pays.On objecte, je le sais, que, de ma part, ces propositions sont inspirées par l’intérêt personnel. Ma conduite, depuis trois ans, doit repousser une allégation semblable ; le bien du pays, je le répète, sera toujours le seul mobile de ma conduite. Je crois de mon devoir de proposer tous les moyens de conciliation, et de faire tous mes efforts pour amener une solution pacifique, régulière, légale, quelle qu’en puisse être l’issue.Ainsi donc, messieurs, la proposition que je vous fais n’est ni une tactique de parti, ni un calcul égoïste, ni une résolution subite. C’est le résultat de méditations sérieuses et d’une conviction profonde. Je ne prétends pas que cette mesure fasse disparaître toutes les difficultés de la situation, mais à chaque jour sa tâche. Aujourd’hui, rétablir le suffrage universel, c’est enlever à la guerre civile son drapeau, à l’opposition son dernier argument ; ce sera fournir à la France la possibilité de se donner des institutions qui assurent son repos ; ce sera rendre aux pouvoirs à venir cette force morale qui n’existe qu’autant qu’elle repose sur un principe consacré et sur une autorité incontestable.Fait à l’Elysée National, le 4 novembre 1851Signé L.-N. BONAPARTE »DISCOURS POLITIQUESPRONONCÉS PAR M. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUEIRevue du Champ-de-Mars, 2 février 1849« Les décorations que j’ai à distribuer aujourd’hui sont en petit nombre, mais elles n’en sont que plus honorables pour ceux qui les ont obtenues. La croix de la Légion-d’Honneur a été trop souvent prodiguée sous les gouvernements qui m’ont précédé.Il n’en sera plus ainsi désormais.Je veux faire en sorte que la décoration de la Légion-d’Honneur ne soit plus que la récompense directe de services rendus à la patrie, et qu’elle ne soit décernée qu’au mérite incontesté.C’est ainsi, messieurs, que j’espère rendre à cette institution tout son glorieux prestige. »IINoyon, 24 février 1849« Je vous remercie, monsieur le maire, des paroles que vous venez de faire entendre, et de l’accueil que me fait avec vous la ville de Noyon.Les espérances qu’a fait concevoir au pays mon élection ne seront pas trompées : je partage ses vœux pour l’affermissement de la République ; j’espère que tous les partis qui ont divisé le pays depuis quarante ans y trouveront un terrain neutre ou ils pourront se donner la main pour la grandeur et la postérité de la France. »IIIChartres, 5 juillet 1849« Je remercie M. le maire des paroles qu’il vient de prononcer, et je porte un toast à la ville de Chartres, où je reçois un accueil si bienveillant et si empressé.Je suis heureux de visiter cette ville qui rappelle deux grandes époques, deux grands souvenirs de notre histoire.C’est à Chartres que Saint Bernard vint prêcher la deuxième croisade, magnifique idée du moyen-âge, qui arracha la France aux luttes intestines et éleva le culte de la loi au-dessus du culte des intérêts matériels.C’est aussi à Chartres que fut sacré Henri IV ; c’est ici qu’il marqua le terme de dix années de guerres civiles, en venant demander à la religion de bénir le retour à la paix et à la concorde.Eh bien, aujourd’hui, c’est encore à la foi et à la conciliation qu’il faut faire appel : à 1a foi, qui nous soutient et nous permet de supporter toutes les difficultés du jour : à la conciliation, qui augmente nos forces et nous fait espérer un meilleur avenir.Ainsi donc : Àla foi !À la conciliation ! À la ville de Chartres ! »IVHam, 22 juillet 1849« Monsieur le maire,Je suis profondément ému de la réception affectueuse que je reçois de vos concitoyens ; mais, croyez- le, si je suis venu à Ham, ce n’est pas par orgueil, c’est par reconnaissance. J’avais à cœur de remercier les habitans de cette ville et des environs, de toutes les marques de sympathie qu’ils n’ont cessé de me donner pendant mes malheurs.Aujourd’hui qu’élu par la France entière, Je suis devenu le chef légitime de cette grande nation, je ne saurais me glorifier d’une captivité qui avait pour cause l’attaque contre un gouvernement régulier. Quand on a vu combien 1es révolutions les plus justes entraînent de maux après elles, on comprend à peine l’audace d’avoir voulu assumer sur soi la terrible responsabilité d’un changement. Je ne me plains donc pas d’avoir expié ici, par un emprisonnement de six années, ma témérité contre les lois de ma patrie ; et c’est avec honneur que, dans les lieux mêmes où j’ai souffert, je vous propose un toast en l’honneur des hommes qui sont déterminés, malgré leurs convictions, à respecter les institutions de leur pays. »VAngers, 29 juillet 1849« Messieurs, en parcourant aujourd’hui votre ville, au milieu des acclamations de la population, je me demandais ce que j’avais fait pour mériter un accueil si flatteur, si enthousiaste.Ce n’est pas seulement parce que je suis le neveu de l’homme qui fit cesser vos dissentions civiles, que vous me recevez avec tant de bienveillance ; je ne puis faire tout ce que l’empereur a fait ; je n’ai ni son génie ni sa puissance : mais ce qui explique ces acclamations, c’est que je représente ce système de modération et de conciliation qui a été inauguré par la République ; ce système qui consiste à consacrer en France, non cette liberté sauvage qui permet à chacun de faire ce qu’il veut, mais la liberté des peuples civilisés, qui permet à chacun de faire ce qui ne peut nuire à la communauté.Sous tous les régimes il y aura, je le sais, des victimes de la loi ; mais tant que je serai président de la République, IL N'Y AURA PAS DE PARTI OPPRIMÉ. Aucune ville mieux qu’Angers ne comprend, je crois, cette sage politique ; aussi je suis heureux de confondre cette ville avec la saine et sainte liberté que nous voulons tous faire triompher. »VITours, 1er août 1849« Je dois remercier d’abord la ville de Tours de l’aimable accueil qu’elle m’a fait ; mais je dois dire aussi que les acclamations dont je suis l’objet me touchent plus qu’elles ne m’enorgueillissent.J’ai trop bien connu le malheur pour ne pas être à l’abri des entraînements de la prospérité. Je ne suis pas venu au milieu de vous avec une arrière-pensée, mais pour me montrer tel que je suis et non tel que la calomnie veut me faire.On a prétendu, on prétend encore aujourd’hui, à Paris, que le gouvernement médite quelque entreprise semblable au 18 brumaire. Mais sommes-nous donc dans les mêmes circonstances ? Les armées étrangères ont-elles envahi notre territoire ? La France est-elle déchirée par la guerre civile ? Y a-t-il 80,000 familles en émigration? Y a-t-il 300,000 familles mises hors la loi par la loi des suspects ? Enfin, la loi est-elle sans, vigueur et l’autorité sans force ? Non.— Nous ne sommes pas dans des conditions qui nécessitent de si héroïques remèdes.A mes yeux, la France peut être comparée à un vaisseau qui, après avoir été ballotté par les tempêtes, a trouvé enfin une rade plus ou moins bonne, mais enfin y a jeté l’ancre.Eh bien ! Dans ce cas, il faut radouber le navire, refaire son lest, rétablir ses mâts et sa voilure, avant de se hasarder encore dans la pleine mer. Les lois que nous avons peuvent être plus ou moins défectueuses, mais elles sont susceptibles de perfectionnement.Confiez-vous donc à l’avenir, sans songer aux coups d’État ni aux insurrections. Les coups d’État n’ont aucun prétexte, les insurrections n’ont aucune chance de succès ; à peine commencées, elles seraient immédiatement réprimées.Ayez donc confiance dans l’Assemblée nationale et dans vos premiers magistrats, qui sont les élus de la nation, et surtout comptez sur la protection de l’Être- suprême, qui encore aujourd’hui protège la France. Je termine en portant un toast à la prospérité de la ville de Tours ! »VIIRouen, 12 août 1849« Messieurs, plus je visite les villes principales de la France, et plus forte est ma conviction que tous les éléments de la prospérité publique sont renfermés dans ce pays.Qui est-ce qui empêche donc aujourd’hui notre prospérité de se développer et de porter ses fruits ? Permettez-moi de vous le dire : c’est que le propre de notre époque est de nous laisser séduire par des chimères au lieu de nous attacher à la réalité.Messieurs, je l’ai dit dans mon Message : « Plus les maux de la société sont patens, et plus certains esprits sont enclins à se jeter dans le scepticisme des théories. »Mais, en réalité, de quoi s’agit-il ? Il ne s’agit pas de dire : Adorez ce que vous avez brûlé et brûlez ce que vous avez adoré pendant tant de siècles… Il s’agit de donner à la société plus de calme et de stabilité, et comme l’a dit un homme que la France estime et vous aimez tous ici, M. Thiers, « le véritable génie de notre époque, consiste dans le simple bon sens. »C’est surtout dans cette belle ville de Rouen que règne le bon sens, et c’est à lui que je dois l’unanimité des suffrages du 10 décembre ; car, messieurs, vous m’avez bien jugé en pensant que le neveu de l’homme qui a tout fait pour asseoir la société sur ses bases naturelles, ne pouvait pas avoir la pensée de jeter cette société dans le vague des théories.Aussi, messieurs, je suis heureux de pouvoir vous remercier des 180,000 votes que vous m’avez donnés. Je suis heureux de me trouver au milieu de cette belle ville de Rouen, qui renferme en elle les germes de tant de richesses ; et j’ai admiré ces collines, parées des trésors de l’agriculture ; j’ai admiré cette rivière qui porte au loin les produits de votre industrie…Enfin, je n’ai pas été moins frappé à l’aspect de la statue du grand Corneille. Savez-vous ce qu’elle me prouve ? C’est que vous n’êtes pas seulement dévoués aux grands intérêts du commerce, mais que vous avez aussi l’admiration pour tout ce qu’il y a de noble dans les lettres, les arts et les sciences.Messieurs, je bois a la ville de Rouen, et suis profondément reconnaissant de l’accueil que j’ai reçu aujourd’hui de vous. »VIIIBanquet des exposants de l’Industrie
nationale,
30 août 1849
« Messieurs,Le véritable congrès de la paix n’était pas dans la salle Sainte-Cécile, il est ici, c’est vous qui le composez, vous, l’élite de l’industrie française. Ailleurs on ne formait que des vœux, ici sont représentés tous les grands intérêts que la paix seule développe. Lorsqu’on a admiré comme moi tous ces prodiges de l’industrie étalés aux regards de la France entière, lorsqu’on pense combien de bras ont concouru à la production de ces objets, et combien d’existences dépendent de leur vente, on se console d’être arrivé à une époque à laquelle est réservée une autre gloire que celle des armes.En effet, aujourd’hui c’est par le perfectionnement de l’industrie, par les conquêtes du commerce qu’il faut lutter avec le monde entier ; et dans cette lutte, vous m’en avez donné la conviction, nous ne succomberons pas. Mais aussi n’oubliez pas de répandre parmi les ouvriers les saines doctrines de l’économie politique, en leur faisant une juste part dans la rétribution

Transcription : Stéphanie Dord-Crouslé

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