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Transcription

DOCUMENTS POUR SERVIR A L’HISTOIRE

DE LA PRÉSIDENCE DE M. L. N. BONAPARTE

I.

Novembre 1848.

MANIFESTE AUX ÉLECTEURS.

« Pour me rappeler de l’exil vous m’avez nommé

représentant du peuple. A la teille d’élire le premier

magistrat de la République, mon nom se présente à

vous comme symbole d’ordre et de sécurité.

Ces témoignages d’une confiance si honorable s’a-

dressent, je le sais, bien plus à ce nom qu’à moi mê-

me, qui n’ai rien fait encore pour mon pays : mais plus

la mémoire de l’Empereur me protège et inspire vos

suffrages, plus je me sens obligé de vous faire con-

naître mes sentimens et mes principes. Il ne faut pas

qu’il y ait d’équivoque entre vous et moi.

Je ne suis pas un ambitieux qui rêve tantôt l’empi-

re et la gloire, tantôt l’application de théories subver-

sives. Elevé dans des pays libres à l’école du malheur,

je resterai toujours fidèle aux devoirs que m’impose-

ront vos suffrages et les volontés de l’Assemblée.

Si J’étais nommé président, je ne reculerais devant

aucun danger, devant aucun sacrifice, pour défendre la

société si audacieusement attaquée ; je me dévouerais

tout entier, sans arrière-pensée, à l’affermissement

d’une République sage par ses lois, honnête par ses in-

tentions, grande et forte par ses actes.

Je mettrais mon honneur à laisser, au bout de qua-

tre ans, à mon successeur, le pouvoir affermi, la liberté

intacte, « n progrès réel accompli.

Quel que soit le résultat de l’élection, je m’incli-

nerai devant la volonté du peuple, et mon concours est

acquis d’avance à tout gouvernement juste et ferme

qui rétablisse l’ordre dans les esprits comme dans les

choses ; qui protège efficacement la religion, la famil-

le. la propriété, bases éternelles de tout état social : qui

provoque les réformes possibles, calme les haines, ré-

concilie les partis, et permette ainsi à la patrie in-

quiète de compter sur un lendemain.

Rétablir l’ordre, c’est ramener la confiance, pour-

voir par le crédit à l’insuffisance passagère des res-

sources, restaurer les finances, ranimer le commerce.

Protéger la religion et la famille, c’est assurer la

liberté des cultes et la liberté de l’enseignement.

Protéger la propriété, c’est maintenir l’inviolabilité

des produits de tous les travaux ; c’est garantir l’indé-

pendance et la sécurité de la possession, fondemens

indispensables de la liberté civile.

Quant aux réformes possibles, voici celles qui me

paraissent le plus urgentes :

Admettre toutes les économies qui, sans désorga-

niser les services publics, permettent la diminution

des impôts les plus onéreux au peuple : encourager les

entreprises qui, en développant les richesses de l’agri-

culture, peuvent, en France et en Algérie, donner du

travail aux bras inoccupés ; pourvoir à la vieillesse des

travailleurs par des institutions de prévoyance ; intro-

duira dans nos lois industrielles les modifications qui

tentent, non à ruiner le riche au profit du pauvre,

mais à fonder le bien-être de chacun sur la prospérité

de tous.

Restreindre dans de justes limites le nombre des

emplois qui dépendent du pouvoir, et qui souvent font

d’un peuple libre un peuple de solliciteurs.

Eviter cette tendance funeste oui entraîne l’Etat à

exécuter lui-même ce que les particuliers peuvent fai-

re aussi bien et mieux que lui. La centralisation des

intérêts et des entreprises est dans la nature du des-

potisme. La nature de la République repousse le monopole.

Enfin, préserver la liberté de la presse des deux

excès qui la compromettent toujours : l’arbitraire et sa

propre licence.

Avec la guerre, point de soulagement à nos maux.

La paix serait donc le plus cher de mes désirs. La

France, lors de sa première révolution, a été guerrière,

parce qu’on l’avait forcée de l’être. A l’invasion, elle

répondit par la conquête. Aujourd’hui qu’elle n’est pas

provoquée, elle peut consacrer ses ressources aux amé-

liorations pacifiques, sans renoncer à une politique

loyale et résolue. Une grande nation doit se taire

ou ne jamais parler en vain.

Songer à la dignité nationale, c’est songer à l’ar-

mée, dont le patriotisme si noble et si désintéressé a

été souvent méconnu. Il faut, tout en maintenant les

lois fondamentales de notre organisation militaire, al-

léger et non aggraver le fardeau de la conscription. Il

faut veiller au présent et à l’avenir, non seulement des

officiers, mais aussi des sous-officiers et des soldats,

et préparer aux hommes qui ont servi longtemps sous

les drapeaux une existence assurée.

Telles sont, mes chers concitoyens, les idées que

j’apporterais dans l’exercice du pouvoir, si vous m’ap-

peliez à la présidence de la République.

La tâche est difficile, la mission immense, je le

sais ! mais je ne désespérais pas de l’accomplir en

conviant à l’œuvre, sans distinction de parti, les hom-

mes que recommandent à l’opinion publique leur hau-

te intelligence et leur probité.

D’ailleurs, quand on a l’honneur d’être à la tête

du peuple français, il y a un moyen infaillible de faire

le bien, c’est de le vouloir.

Signé, louis-napoléon bonaparte

II.

20 décembre 1848.

DISCOURS À L’ASSEMBLÉE.

« Citoyens représentans,

Les suffrages de la nation et le serment que je

viens de prêter commandent ma conduite future. Mon

devoir est tracé ; je le remplirai en homme d’honneur.

Je verrai des ennemis de la pairie dans tout ceux

qui tenteraient de changer, par des voies illégales, ce

que la France entière a établi.

Entre vous et moi, citoyens représentans, il ne

saurait y avoir de véritables dissentimens. Nos volon-

tés, nos désirs sont les mêmes

Je veux, comme vous, rasseoir la société sur ses

bases, affermir les institutions démocratiques, et re-

chercher tous les moyens propres à soulager les maux

de ce peuple généreux et intelligent, qui vient de me

donner un témoignage si éclatant de sa confiance.

La majorité que j’ai obtenue, non seulement me

pénètre de reconnaissance, mais elle donnera au gou-

vernement nouveau la force morale sans laquelle il

n’y a pas d’autorité.

Avec la paix et l’ordre, notre pays peut se relever,

se guérir de ses plaies, ramener les hommes égarés et

calmer les passions.

Animé de cet esprit de conciliation, j’ai appelé près

de moi des hommes honnêtes, capables et dévoués au

pays, assuré que, malgré les diversités d’origine poli-

tique. ils sont d’accord pour concourir avec vous à l’ap-

plication de la Constitution, au perfectionnement des

lois, à la gloire de la République.

La nouvelle administration, en entrant aux affai-

res, doit remercier celle qui la précède des efforts

qu’elle a faits pour transmettre le pouvoir intact, pour

maintenir la tranquillité publique.

La conduite de l’honorable général Cavaignac a été

digne de la loyauté du son caractère et de ce sentiment

du devoir qui est la première qualité du chef d’un Etat.

Nous avons, citoyens représentans, une gran-

de mission à remplir, c’est de fonder une Républi-

que dans l’intérêt de tous, et un gouvernement jus-

te, ferme, qui soit animé d’un sincère amour du pro-

grès sans être RÉACTIONNAIRE ou UTOPISTE.

Soyons les hommes du pays, non les hommes d’un

parti, et, Dieu aidant, nous ferons du moins le bien, si

nous ne pouvons faire de grandes choses. »

 

III.

6 juin 1849.

MESSAGE

« Messieurs les représentans,

Mon élection à la première magistrature de la Ré-

publique avait fait naître des espérances qui n’ont point

encore pu se réaliser.

Jusqu’au jour où vous vous êtes réunis dans cette

enceinte, le pouvoir exécutif ne jouissait pas de la plé-

nitude de ses prérogatives constitutionnelles. Dans une t

elle position, il lui était difficile d’avoir une marche

bien assurée,

Néanmoins, je suis resté fidèle à mon manifeste.

A quoi, en effet, me suis-je engagé en acceptant le

suffrage de la nation ?

A défendre la société audacieusement attaquée.

A affermir une République sage, grande, honnête.

A protéger la famille. la religion, la propriété.

A provoquer toutes les améliorations et toutes les

économies possibles.

 A protéger la presse contre l’arbitraire et la licence.

A diminuer les abus de la centralisation.

A effacer les traces de nos discordes civiles.

Enfin, à adopter à l’extérieur une politique sans

arrogance comme sans faiblesse.

Le temps et les circonstances ne m’ont per-

mis d’accomplir tous ces engagements ; cependant de

 

grands pas ont été faits dans cette voie.

Le premier devoir du gouvernement était de con-

sacrer, tous ces efforts au rétablissement de la confian-

ce, qui ne pouvait être complète que sous un pouvoir

définitif. Le défaut de sécurité dans le présent, foi

dans l’avenir, détruit le crédit, arrête le travail, dimi-

nue les revenus publics et privés, rend les emprunts

impossibles et tarit les sources de la richesse.

Avant d’avoir ramené la confiance, on aurait beau

recourir à tous les systêmes de crédit comme aux ex-

pédiens les plus révolutionnaires, on ne ferait pas re-

naître l’abondance là où la crainte et la défiance du

lendemain ont produit la stérilité.

Notre politique étrangère elle-même ne pouvait être

à la hauteur de notre puissance passée, qu’autant que

nous aurions reconstitué à l’intérieur ce qui fait la for-

ce des nations, l’union des citoyens, la prospérité de

nos finances.

Pour atteindre ce but, le gouvernement n’a eu

qu’à suivre une marche ferme et résolue, en montrant

à tous que, sans sortir de la légalité, il emploierait les

moyens les plus énergiques pour rassurer la société.

Partout aussi il s’efforçait de rétablir le prestige de

l’autorité, en mettant tous ses soins à appeler aux f

onctions publiques les hommes qu’il jugeait les plus

honnêtes et les plus capables, sans s’arrêter à leurs an-

técédens politiques.

Vous voyez que nos préoccupations sont gra-

ves, nos difficultés grandes, et qu’il nous reste aujour-

d’hui, au dedans comme au dehors, bien des questions

importantes à résoudre. Fort de votre appui et de ce-

lui de la nation, j’espère néanmoins m’élever à la hau-

teur de ma tâche, en suivant une marche nette et pré-

cise.

Cette marche consiste à prendre hardiment l’ini-

tiative de toutes les améliorations, de toutes les réfor-

mes qui peuvent contribuer ou bien-être de tous, et,

d’un antre côté, à réprimer, par la sévérité des lois de-

venues nécessaires, les tentatives de désordre et d’a-

narchie qui prolongent le malaise général. Vous ne

bercerez pas le peuple d’illusions et d’utopies qui

n’exaltent les imaginations que pour aboutir à la dé-

ception et à la misère. Partout où j’apercevrai une idée

féconde en résultats pratiques, je la ferai étudier, et,

si elle est applicable, je vous proposerai de l’appliquer.

La principale mission d’un gouvernement républi-

cain surtout, c’est d’éclairer, et, par la manifestation de

la vérité, de dissiper l’état trompeur que l’intérêt per-

sonnel des partis fait briller. Un fait malheureux se

retrouve à chaque page de l’histoire. c’est de voir que

plus les maux d’une société sont réels et patents aux

yeux des bons esprits, plus une minorité aveugle se

lance dans l’enthousiasme des théories.

Au commencement du dix-huitième siècle, ce n’é-

tait pas pour le triomphe des idées insensées de quel-

ques fanatiques, prenant le peuple pour texte et

pour excuse de leurs folies, que le peuple anglais

lutta pendant quarante ans, mais pour la supré-

matie de sa religion. De même, après 89, ce n’était pas

pour les idées de Babœuf, ou de tel autre sectaire, que

la société fut bouleversée, mais pour l’abolition des

privilèges, pour la division de la propriété, pour l’é-

galité devant la loi, pour l’admission de tous aux emplois.

Eh bien ! encore aujourd’hui, ce n’est pas pour

l’application des théories inapplicables ou d’avantages

imaginaires, que la révolution s’est accomplie, mais

pour avoir un gouvernement qui, résultat de la volon-

té de tous, soit plus intelligent des besoins du peuple,

et puisse conduire sans préoccupation dynastique les

destinées du pays.

Notre devoir est donc de faire la part entre les

idées fausses et tes idées vraies qui sortent d’une ré-

volution ; puis, cette séparation faite, il faut se mettre

à la tête des unes et combattre courageusement les

autres, la vérité se trouvera en faisant appel à toutes

les intelligences, en ne repoussant rien avant de l’a-

voir approfondi, en adoptant tout ce qui aura été sou-

mis à l’examen des hommes compétens, et qui aura

subi l’épreuve de la discussion.

D’après ce que je viens d’exposer, deux sortes de

lois seront présentées à votre appréciation : les unes

pour introduire partout de s améliorations réelles. Par-

mi celles-ci, j’indiquerai les suivantes :

Loi sur les institutions de secours et de prévoyan-

ce, afin d’assurer aux classes laborieuses un refuge

contre les conséquences de la suspension des travaux,

des infirmités et de la vieillesse.

Loi sur la réforme du régime hypothécaire. Il faut

qu’une institution nouvelle vienne féconder l’agricul-

ture en lui apportant d’utiles ressources, en facilitant

ses emprunts. Elle préludera à la formation d’établis-

semens de crédit à l’instar ce ceux qui existent dans

les divers Etats de l’Europe.

Loi sur l’abolition de la prestation en nature.

Loi sur la subvention en faveur des associations

ouvrières et comices agricoles.

Loi sur la défense des indigens, qui n’est pas suf-

fisamment assurée dans notre législation. La justice,

qui est une dette de l’Etat, et qui, par conséquent,

est gratuite, se trouve environnée de formalités oné-

reuses qui en rendent l’accès difficile aux citoyens

pauvres et ignorans. Leurs droits et leurs intérêts ne s

ont pas assez protégés ; sous l’empire de notre Cons-

titution démocratique, cette anomalie doit disparaître.

Enfin, une loi est préparée ayant pour but d’amé-

liorer la pension de retraite des sous-officiers et sol-

dats, et d’introduire dans la loi sur le recrutement de

l’armée les modifications dont l’expérience a démontré

l’utilité.

Indépendamment de ces projets, vous aurez à vous

occuper des lois organiques que la dernière assemblée

n’a pas eu le temps d’élaborer, et qui sont le complé-

ment nécessaire de la Constitution.

Ce qui précède suffit, je l’espère, pour vous prou-

ver que mes intentions sont conformes aux vôtres.

Vous voulez, comme moi, travailler au bien-être de ce

peuple qui nous a élus, à la gloire, à la prospérité de

la patrie. Comme moi, vous pensez que les meilleurs

moyens d’y parvenir ne sont pas la violence et la ruse,

mais la fermeté et la justice. La France se confie au

patriotisme des membres de l’Assemblée. Elle espère

que la vérité, dévoilée au grand jour de la tribune, con-

fondra le mensonge et désarmera l’erreur. De mon côté,

le pouvoir exécutif fera son devoir.

J’appelle sous le drapeau de la République et sur

le terrain de la Constitution tous les hommes dévoués

au salut du pays. Je compte sur leur concours et sur

leurs lumières pour m’éclairer, sur la protection de Dieu

pour accomplir ma mission.

louis-napoléon-bonaparte. »

IV.

31 octobre 1849.

MESSAGE.

« Monsieur le président,

Dans les circonstances graves où nous nous trou-

vons, l’accord qui doit régner entre les différens pou-

voirs de l’Etat ne peut se maintenir que si, animés

d’une confiance mutuelle, ils s’expliquent franchement

l’un vis à vis de l’autre. Afin de donner l’exemple de

cette sincérité, je viens faire connaître à l’Assemblée

quelles sont les raisons qui m’ont déterminé à changer

le ministère, et à me séparer d’hommes dont je me

plais à proclamer les services éminens, et auxquels

j’ai voué amitié et reconnaissance.

Pour raffermir la République menacée de tant de

côtés par l’anarchie, pour assurer l’ordre plus effica-

cement qu’il ne l’a été jusqu’à ce jour, pour maintenir

à l’extérieur le nom de la France à la hauteur de sa

renommée, il faut des hommes qui, animés d’un dé-

voûment patriotique, comprennent la nécessité d’une

direction unique et ferme, et d’une politique nettement

formulée ; qui ne compromettent le pouvoir par aucune

irrésolution : qui soient aussi préoccupés de ma pro-

pre responsabilité que de la leur, et DE L’ACTION que

de la parole.

Depuis bientôt un an, j’ai donné assez de preuves

d’abnégation pour qu’on ne se méprenne pas sur mes

intentions véritables. Sans rancune contre aucune in-

dividualité, contre aucun parti, j’ai laissé arriver aux

affaires les hommes d’opinions les plus diverses, mais

sans obtenir les heureux résultats que j’attendais de

ce rapprochement. Au lieu d’opérer une fusion de

nuances, je n’ai obtenu qu’une neutralisation de

forces. L’unité de vues et d’intentions a été entravée,

l’esprit de conciliation pris pour de la faiblesse.

A peine les dangers de la rue étaient-ils passés,

qu’on a vu les partis relever leur drapeau, réveiller

leurs rivalités et alarmer le pays en semant l’inquié-

tude. Au milieu de celte confusion, La France inquié-

te parce qu’elle ne voit pas de direction, cherche la

main, la volonté, le drapeau de l’Elu du 10 décembre.

Or, cette volonté ne peut être sentie que s’il y a com-

munauté entière d’idées, de vues, de convictions, en-

tre le Président et ses ministres, et si l’Assemblée s’as-

socie elle-même à la pensée nationale dont l’élection

du pouvoir exécutif a été l’expression.

Tout un système a triomphé au 10 décembre, car

le nom de Napoléon est, a lui seul, tout un programme.

Il veut dire : A l’intérieur, ordre, autorité, religion,

bien-être du peuple ; à l’extérieur, dignité nationale.

C’est cette politique inaugurée par mon élection que

je veux faire triompher avec l’appui de l’Assemblée et

celui du peuple. Je veux être digne de la confiance de la

nation, en maintenant la Constitution que j’ai jurée.

Je veux inspirer au pays par ma loyauté, ma persévé-

rance et ma fermeté, une confiance telle que les affai-

res reprennent et qu’on ait foi dans l’avenir.

La lettre d’une Constitution a sans doute une gran-

de influence sur les destinées d’un pays, mais la ma-

nière dont elle est exécutée en exerce peut-être une

plus grande encore. Le plus ou moins de durée du pou-

 

voir contribue, certes, puissamment à la stabilité des

choses : mais c’est aussi par les idées et les principes

que le gouvernent sait faire prévaloir, que la Socié-

té se rassure.

Relevons donc l’autorité sans inquiéter la vraie

liberté. Calmons les craintes en domptant hardiment

les mauvaises passions et en donnant à tous les nobles

instincts une direction utile. Affermissons le principe

religieux, sans rien abandonner des conquêtes de la

révolution, et nous sauverons le pays malgré les partis,

les ambitions et même les imperfections que nos in-

stitutions pourraient renfermer.

l. napoléon-bonaparte. »

V.

12 novembre 1850.

MESSAGE.

                                  

« Malgré la difficulté des circonstances, la loi, l’au-

torité ont recouvré à tel point leur empire, que per-

sonne ne croit désormais au succès de la violence. Mais

aussi, plus les craintes sur le présent disparaissent,

plus les esprits se livrent avec entraînement aux pré-

occupations de l’avenir. Cependant, la France veut a-

vant tout le repos. Encore émue des dangers que la

société a courus, elle reste étrangère aux querelles de

partis ou d’hommes, si mesquines en présence des

grands intérêts qui sont en jeu.

J’ai souvent déclaré, lorsque l’occasion s’est offerte

d’exprimer publiquement ma pensée, que je considé-

rais comme de grands coupables ceux qui, par ambi-

tion personnelle, compromettraient le peu de stabilité

que nous garantit la Constitution. C’est ma conviction

profonde, elle n’a jamais été ébranlée. Les ennemis seuls

de la tranquillité publique ont pu dénaturer les plus

simples démarches que naissent de ma position.

Comme premier magistrat de la République, j’étais

obligé de me mettre en relation avec le clergé, la ma-

gistrature, les agriculteurs, les industriels, l’adminis-

tration, l’armée et je me suis empressé de saisir tou-

tes les occasions de leur témoigner ma sympathie et

ma reconnaissance pour le concours qu’ils me prêtent,

et surtout, si mon [mot illisible] comme mes efforts ont con-

couru à raffermir l’esprit de l’armée, de laquelle je dis-

pose seul, d’après les termes de la Constitution, c’est

un service, j’ose le dire, que je crois avoir rendu au

pays, car toujours j’ai fait tourner au profit de l’ordre

mon influence personnelle.

La règle invariable de ma vie politique sera, dans

toutes les circonstances, de faire mon devoir, rien que

mon devoir.

Il est aujourd’hui permis à tout le monde, excepté à

moi, de vouloir hâter la révision de notre loi fonda-

mentale. Si la Constitution renferme des vices et des

dangers, vous êtes tous libres de les faire ressortir aux

yeux du pays. Moi seul, lié, par mon serment, je me

renferme dans les strictes limites qu’elle a tracées.

Les conseils généraux ont en grand nombre émis

le vœu de la révision de la Constitution. Ce vœu ne

s’adresse qu’au pouvoir législatif. Quant à moi, élu du

peuple, ne relevant que de lui, je me conformerai tou-

jours à ses volontés légalement exprimées.

L’incertitude de l’avenir fait naître, je le sais, bien

des appréhensions et réveillant bien des espérances.

Sachons tous faire à la patrie le sacrifice de ces espé-

rances, et ne nous occupons que de ses intérêts. Si

dans cette session vous votez la révision de la Consti-

tution, une Constitution viendra refaire nos lois fonda-

mentales et régler le sort du pouvoir exécutif. Si vous

ne la votez pas, le peuple, en 1852, manifestera solen-

nellement l’expression de sa volonté nouvelle.

Mais quelles que puissent être les solutions de

l’avenir, entendons-nous, afin que ce ne soit jamais la

passion, la surprise ou la violence qui décident du

sort d’une grande nation ; inspirons au peuple l’amour

du repos, en mettant du calme dans nos délibérations ;

inspirons-lui la religion du droit, en ne nous en écar-

tant jamais nous-mêmes ; et alors, croyez-le, le progrès

des mœurs politiques compensera le danger d’institu-

tions créées dans des jours de défiances et d’incer-

titudes.

Ce qui me préoccupe surtout, soyez-en persuadés,

ce n’est pas de savoir qui gouvernera la France en

1852, c’est d’employer le temps dont je dispose de ma-

nière à ce que la transition, quelle qu’elle soit, se fasse

sans agitation et sans trouble.

Le but le noble et le plus digne d’une ame éle-

vée n’est point de rechercher, quand on est au pouvoir,

par quels expédiens elle s’y perpétuera, mais de veiller

sans cesse aux moyens de consolider, à l’avantage de

tous, les principes d’autorité et de morale qui défient

les passions des hommes et l’instabilité des lois.

Je vous ai loyalement ouvert mon cœur, vous ré-

pondrez à ma franchise par votre confiance, à mes

bonnes par votre concours, et Dieu fera le

reste.

louis-napoléon bonaparte.

Elysée-National, le 12 novembre 1850. »

VI.

24 janvier 1851.

MESSAGE.

« Monsieur le président,

L’opinion publique, confiante dans la sagesse de

l’Assemblée et du gouvernement, ne s’est pas émue

des derniers incidens. Néanmoins, la France commen-

ce à souffrir d’un désaccord quelle déplore. Mon devoir

est de faire ce qui dépendra de moi pour en prévenir

les résultats fâcheux.

L’union des deux pouvoirs est indispensable au re-

pos du pays : mais, comme la Constitution les a ren-

dus indépendans, la seule condition de cette union est

une confiance réciproque.

Pénétré de ce sentiment, je respecterai toujours

les droits de l’Assemblée, en maintenant intactes les

prérogatives du pouvoir que je tiens du peuple.

Pour ne point prolonger une dissidence pénible,

j’ai accepté, après le vote récent de l’Assemblée, la

démission d’un ministère qui avait donné au pays et

à la cause de l’ordre des gages éclatans de son dé-

voûment. Voulant toutefois reformer un cabinet avec

des chances de durée, je ne pouvais prendre ses élé-

mens dans une majorité née de circonstances excep-

tionnelles, et je me suis vu, à regret, dans l’imposs-

bilité de trouver une combinaison parmi les mem-

bres de la minorité malgré son importance.

D ms cette conjoncture, et après de vaines tentati-

ves, je me suis résolu à former un ministère de tran-

sition, composé d’hommes spéciaux n’appartenant à

aucune fraction de l’Assemblée, et décidés à se livrer

aux affaires sans préoccupation de parti. Les hommes

honorables qui acceptent cette tâche patriotique au-

ront des droits à la reconnaissance du pays.

L’administration continuera donc comme par le

passé. Les préventions su dissiperont au souvenir des

déclarations solennelles du Message du 12 novembre.

La majorité réelle se reconstituera. L’harmonie sera ré-

tablie, sans que les deux pouvoirs aient rien sacrifié

de la dignité qui fait leur force.

La France veut avant tout le repos, et elle attend

de ceux qu’elle a investis de sa confiance une concilia-

tion sans faiblesse, une fermeté calme, l’impassibilité

dans le droit.

Agréez, monsieur le président, l’assurance de mes

sentimens de haute estime.

Signé : louis napoléon bonaparte. »

VII.

4 novembre 1851.

MESSAGE.

                                       

« Vous venez d’entendre l’exposé fidèle de la situa-

tion du pays. Elle offre pour le passé des résultats sa-

tisfaisans. Néanmoins, un état de malaise général tend

chaque jour à s’accroîte ; partout le travail se ralentit,

la misère augmente, les intérêts s’effraient et les espé-

rances anti-sociales s’exhalent à mesure que les pou-

voirs publics affaiblis approchent de leur terme.

Dans un tel état de choses, la première préoccu-

pation du gouvernement doit être de rechercher les

moyens de conjurer les périls et d’assurer les meilleu-

res chances de salut.

Déjà dans, mon dernier Message, mes paroles à ce

sujet, je m’en souviens avec orgueil, furent favorable-

ment accueillies par l’Assemblée. Je vous disais : « L’in-

certitude de l’avenir fait naître bien des appréhensions

en réveillant bien des espérances. Sachons tous faire à

la patrie le sacrifice de ces espérances, et ne nous oc-

cupons que de ses intérêts. Si, dans cette session, vous

votez la révision de la Constitution, une Constituante

viendra refaire nos lois fondamentales et régler le sort

du pouvoir exécutif.

Si vous ne la votez pas, le peuple, en 1852, mani-

festera solennellement l’expression de sa volonté

nouvelle : mais, quelles que puissent être les solu-

tions de l’avenir, entendons-nous, afin que ce ne soi-

jamais la passion, la surprise ou la violence, qui dét

cident d’une grande nation. »

Aujourd’hui, les questions sont les mêmes, et mon

devoir n’a pas changé. C’est de maintenir l’ordre in-

flexiblement : c’est de faire disparaître toute cause d’a-

gitation, afin que les résolutions qui décideront de no-

tre sort soient conçues dans le calme et adoptées sans

contestation.

 

Les résolutions ne peuvent émaner que d’un acte

décisif de la souveraineté nationale, puisqu’elles ont

toutes pour base l’élection populaire. Eh bien ! je me

suis demandé s’il fallait, en présence du délire des pas-

sions, de la confusion des doctrines, de la division des

partis, alors que tout se ligue pour enlever à la mo-

rale, à la justice, à l’autorité, leur dernier prestige ;

s’il fallait, dis-je, laisser ébranler incomplet le seul

principe qu’au milieu du chaos général la Provoidence

ait maintenu debout pour nous rallier ? Quand le suf-

frage universel a relevé l’édifice social, par cela même

qu’il substituait un droit à un fait révolutionnaire, est-

il sage d’en restreindre plus longtemps la base ? Enfin

je me suis demandé si, lorsque des pouvoirs nouveaux

viendront présider aux destinées du pays, ce n’était

pas d’avance compromettre stabilité que de lais-

ser un prétexte de discuter leur origine et de contes-

ter leur légitimité ?

Le doute n’était pas possible, et sans vouloir m’é-

carter un seul instant de la politique d’ordre que j’ai

toujours suivie, je me suis vu obligé, bien à regret, de

me séparer d’un ministère qui avait toute ma confian-

ce et mon estime, pour en choisir un autre composé

également d’hommes honorables connus par leurs sen-

timens conservateurs, mais qui voulussent admettre la

nécessité de rétablir le suffrage universel sur la base

la plus large possible.

Il vous sera donc présenté un projet de loi qui

restitue au principe toute sa plénitude, en conservant

de la loi du 31 mai ce qui dégage le suffrage universel

d’élémens impurs et en rend l’application plus morale

et plus régulière.

Ce projet n’a donc rien qui puisse blesser cette As-

semblée, car si je crois utile de lui demander aujour-

d’hui le retrait de la loi du 31 mai, je n’entends pas

renier l’approbation que je donnai alors à l’initiative

prise par le ministère, qui réclama des chefs de la

majorité, dont cette loi était l’œuvre, l’honneur de la

présenter. Je reconnais même les effets salutaires

qu’elle a produits, en me rappelant les circonstances

dans lesquelles elle fut présentée. On avouera que

c’était un acte politique bien plus qu’une loi électorale,

une véritable mesure de salut public, et toutes les fois

que la majorité me proposer des moyens énergiques

de sauver le pays, elle peut compter sur mon concours

loyal et désintéressé. Mais les mesures de salut public

n’ont qu’un temps limité.

La loi « lu 31 mai, dans son application, a même

dépassé le but qu’on pensait atteindre ; personne ne

prévoyait la suppression de trois millions d’électeurs,

dont les deux tiers sont habitans paisibles des campa-

gnes. Qu’en est-il résulté ? c’est que cette immense ex-

clusion a servi de prétexte au parti anarchique, qui cou-

vre ses détestables desseins de l’apparence d’un droit ravi

et à reconquérir. Trop inférieur en nombre pour s’empa-

rer de la société par le vote, il espère, à la faveur de l’é-

motion générale et au déclin des pouvoirs, faire naître,

sur plusieurs points de la France à la fois, des trou-

bles qui seraient réprimés sans doute, mais qui nous

jetteraient dans de nouvelles complications.

Indépendamment de ces périls, la loi du 31 mai,

comme loi électorale, présente de graves inconvéniens.

Je n’ai pas cessé de croire qu’un jour viendrait où

il serait de mon devoir d’en demander l’abrogation.

Déficiente en effet lorsqu’elle est appliquée à l’élec-

tion d’une Assemblée, elle l’est bien davantage lors-

qu’il s’agit de la nomination du président, car si une ré-

sidence de trois ans dans la commune a pu paraître une

garantie de discernement imposée aux électeurs pour

reconnaître les hommes qui doivent les représenter,

une résidence aussi prolongée ne saurait être néces-

saire pour apprécier le candidat destiné à gouverner

la France.

Une autre objection grave est celle-ci : la Consti-

tution exige, pour la validité de l’élection du président

par le peuple, deux millions au moins de suffrages !

et, s’il ne réunit pas ce nombre, c’est à l’Assemblée

qu’est conféré le droit d’élire. La Constituante avait

donc décidé que sur dix millions de votans portés alors

sur la liste, il suffisait du cinquième pour valider l’é-

lection. Aujourd’hui, le nombre des électeurs se trou-

vant réduit à sept millions, en exiger deux, c’est in-

tervertir la proportion : c’est-à-dire demander pres-

que le tiers au lieu du cinquième, et ainsi, dans une

certaine éventualité, ôter l’élection au peuple pour la

donner à l’Assemblée. C’est donc changer positivement

les conditions d’éligibilité du président de la Républi-

que.

Enfin, j’appelle votre attention particulière sur u-

ne autre raison, décisive peut-être.

Le rétablissement du suffrage universel sur la ba-

se principale donne une chance de plus d’obtenir la

révision de la Constitution.

Vous n’avez pas oublié pourquoi, dans la session

dernière, les adversaires de cette révision se refusaient

à la voter. Ils s’appuyaient sur cet argument qu’ils sa-

vaient rendre spécieux : la Constitution, disaient-ils,

œuvre d’une Assemblée issue du suffrage universel, ne

peut pas être modifiée par une Assemblée issue du

suffrage restreint.

Que ce soit là un motif réel ou un prétexte, il est

bon de l’écarter et de pouvoir dire à ceux qui veulent

lier le pays a une Constitution immuable : Voilà le

suffrage universel rétabli ; la majorité de l’Assemblée

soutenue par deux millions de pétitionnaires, par le

plus grand nombre des conseils d’arrondissement, par

la presque unanimité des conseils généraux, demande

la révision du pacte fondamental ; avez-vous moins de

confiance que nous dans l’expression de la volonté po-

pulaire ? La question se résume donc ainsi pour tous

ceux qui souhaitent le dénouement pacifique des diffi-

cultés du jour.

La loi du 31 mai a ses imperfections ; mais fut-el-

le parfaite ne devrait-on pas également l’abroger si el-

le doit empêcher la révision de la Constitution, ce vœu

manifeste du pays.

On objecte, je le sais, que, de ma part, ces

propositions sont inspirées par l’intérêt personnel.

Ma conduite, depuis trois ans, doit repousser une

allégation semblable ; le bien du pays, je le répète,

sera toujours le seul mobile de ma conduite. Je crois

de mon devoir de proposer tous les moyens de conci-

liation, et de faire tous mes efforts pour amener une

solution pacifique, régulière, légale, quelle qu’en puis-

se être l’issue.

Ainsi donc, messieurs, la proposition que je vous

fais n’est ni une tactique de parti, ni un calcul égoïs-

te, ni une résolution subite. C’est le résultat de médi-

tations sérieuses et d’une conviction profonde. Je ne

prétends pas que cette mesure fasse disparaître toutes

les difficultés de la situation, mais à chaque jour sa

tâche. Aujourd’hui, rétablir le suffrage universel, c’est

enlever à la guerre civile son drapeau, à l’opposition

son dernier argument ; ce sera fournir à la France

la possibilité de se donner des institutions qui assu-

rent son repos ; ce sera rendre aux pouvoirs à ve-

nir cette force morale qui n’existe qu’autant qu’elle

repose sur un principe consacré et sur une autorité

incontestable.

Fait à l’Elysée National, le 4 novembre 1851.

signé l. N. bonaparte. »

                                              

DISCOURS POLITIQUES

prononcés par m. le président de la république.

I.

Revue du Champ-de-Mars.— 2 février 1849.

« Les décorations que j’ai à distribuer aujourd’hui

sont en petit nombre, mais elles n’en sont que plus

honorables pour ceux qui les ont obtenues.

La croix de la Légion-d’Honneur a été trop sou-

vent prodiguée sous les gouvernemens qui m’ont pré-

cédé

Il n’en sera plus ainsi désormais.

Je veux faire en sorte que la décoration de la Lé-

gion-d’Honneur ne soit plus que la récompense direc-

te de services rendus à la patrie, et qu’elle ne soit dé-

cernée qu’au mérite incontesté.

C’est ainsi, messieurs, que j’espère rendre à cette

institution tout son glorieux prestige. »

II.

Noyon.— 24 février 1849

« Je vous remercie, monsieur le maire, des paroles

que vous venez de faire entendre, et de l’accueil que

me fait avec vous la ville de Noyon.

Les espérances qu’a fait concevoir au pays mon

élection ne seront pas trompées : je partage ses vœux

pour l’affermissement de la République ; j’espère que

tous les partis qui ont divisé le pays depuis quarante

ans y trouveront un terrain neutre ou ils pourront se

donner la main pour la grandeur et la postérité de la

France. »

III.

Chartres. — 5 juillet 1849.

« Je remercie M. le maire des paroles qu’il vient de

prononcer, et je porte un toast à la ville de Chartres, où

je reçois un accueil si bienveillant et si empressé.

Je suis heureux de visiter cette ville qui rappelle

 

deux grandes époques, deux grands souvenirs de notre

histoire.

C’est à Chartres que Saint Bernard vint prêcher la

deuxième croisade, magnifique idée du moyen-âge,

qui arracha la France aux luttes intestines et éleva le

culte de la loi au-dessus du culte des intérêts

matériels.

C’est aussi à Chartres que fut sacré Henri IV ; c’est

ici qu’il marqua le terme de dix années de guerres ci-

viles, en venant demander à la religion de bénir le re-

tour à la paix et à la concorde.

Eh bien, aujourd’hui, c’est encore à la foi et à la

conciliation qu’il faut faire appel : à 1a foi, qui nous

soutient et nous permet de supporter toutes les diffi-

cultés du jour : à la conciliation, qui augmente nos

forces et nous fait espérer un meilleur avenir.

Ainsi donc : A la foi ! à la conciliation ! à la ville

de Chartres ! »

IV.

Ham.—22 juillet 1849.

« Monsieur le maire,

Je suis profondément ému de la réception affec-

tueuse que je reçois de vos concitoyens ; mais, croyez-

le, si je suis venu à Ham, ce n’est pas par orgueil, c’est

par reconnaissance. J’avais à cœur de remercier les

habitans de cette ville et des environs, de toutes les

marques de sympathie qu’ils n’ont cessé de me donner

pendant mes malheurs.

Aujourd’hui qu’élu par la France entière, Je suis

devenu le chef légitime de cette grande nation, je ne

saurais me glorifier d’une captivité qui avait pour cause

l’attaque contre un gouvernement régulier. Quand on

a vu combien 1es révolutions les plus justes entraînent

de maux après elles, on comprend à peine l’audace

d’avoir voulu assumer sur soi la terrible responsabilité

d’un changement. Je ne me plains donc pas d’avoir

expié ici, par un emprisonnement de six années, ma

témérité contre les lois de ma patrie ; et c’est avec hon-

neur que, dans les lieux mêmes où j’ai souffert, je vous

propose un toast en l’honneur des hommes qui sont

déterminés, malgré leurs convictions, à respecter les

institutions de leur pays. »

V.

Angers. — 29 juillet 1849.

« Messieurs, en parcourant aujourd’hui votre ville.

au milieu des acclamations de la population, je me

demandais ce que j’avais fait pour mériter un accueil

si flatteur, si enthousiaste.

Ce n’est pas seulement parce que je suis le neveu

de l’homme qui fit cesser vos dissentions civiles, que

vous mo recevez avec tant de bienveillance ; je ne puis

faire tout ce que l’empereur a fait ; je n’ai ni son génie

ni sa puissance : mais ce qui explique ces acclama-

tions, c’est que je représente ce système de modé-

ration et de conciliation qui a été inauguré par la Ré-

publique ; ce système qui consiste à consacrer en

France, non cette liberté sauvage qui permet à chacun

de faire ce qu’il veut, mais la liberté des peuples civi-

lisés, qui permet à chacun de faire ce qui ne peut

nuire à la communauté

Sous tous les régimes il y aura, je le sais, des vic-

times de la loi ; mais tant que je serai président de la

République, il n’y aura pas de parti opprimé. Aucune

ville mieux qu’Angers ne comprend, je crois, cette sa-

ge politique ; aussi je suis heureux de confondre cette

ville avec la saine et sainte liberté que nous voulons

tous faire triompher. »

VI.

Tours.— 1er août 1849.

« Je dois remercier d’abord la ville de Tours de l’ai-

mable accueil qu’elle m’a fait ; mais je dois dire aussi

que les acclamations dont je suis l’objet me touchent

plus qu’elles ne m’enorgueillissent.

J’ai trop bien connu le malheur pour ne pas être

à l’abri des entraînemens de la prospérité. Je ne suis

pas venu au milieu de vous avec une arrière-pensée,

mais pour me montrer tel que je suis et non tel que la

calomnie veut me faire.

On a prétendu, on prétend encore aujourd’hui, à

Paris, que le gouvernement médite quelque entreprise

semblable au 18 brumaire. Mais sommes-nous donc

dans les mêmes circonstances ? Les armées étrangères

ont-elles envahi notre territoire ? La France est-elle

déchirée par la guerre civile ? Y a-t-il 80,000 familles

en émigration ? Y a-t-il 300,000 familles mises hors la

loi par la loi des suspects ? Enfin, la loi est-elle sans,

vigueur et l’autorité sans force ? Non.— Nous ne som-

mes pas dans des conditions qui nécessitent de si hé-

roïques remèdes.

A mes yeux, la France peut être comparée à un

vaisseau qui, après avoir été ballotté par les tempêtes,

a trouvé  enfin une rade plus ou moins bonne, mais

enfin y a jeté l’ancre.

Eh bien ! dans ce cas, il faut radouber le navire,

refaire son lest, rétablir ses mâts et sa voilure, avant

de se hasarder encore dans la pleine mer.

Les lois que nous avons peuvent être plus ou

moins défectueuses, mais elles sont susceptibles de

perfectionnement.

Confiez-vous donc à l’avenir, sans songer aux coups

d’Etat ni aux insurrections. Les coups d’Etat n’ont au-

cun prétexte, les insurrections n’ont aucune chance de

succès ; à peine commencées, elles seraient immédia-

tement réprimées.

Ayez donc confiance dans l’Assemblée nationale et

dans vos premiers magistrats, qui sont les élus de la

nation, et surtout comptez sur la protection de l’Être-

suprême, qui encore aujourd’hui protège la France.

Je termine en portant un toast à la prospérité de

la ville de Tours ! »

VII.

Rouen.— 12 août 1849.

« Messieurs, plus je visite les villes principales de la

France, et plus forte est ma conviction que tous les

élémens de la prospérité publique sont renfermés dans

ce pays.

Qui est-ce qui empêche donc aujourd’hui notre

prospérité de se développer et de porter ses fruits ?

Permettez-moi de vous le dire : c’est que le propre de

notre époque est de nous laisser séduire par des chi-

mères au lieu de nous attacher à la réalité.

Messieurs, je l’ai dit dans mon Message : « Plus les

maux de la société sont patens, et plus certains es-

prits sont enclins à se jeter dans le scepticisme des

théories. »

Mais, en réalité, de quoi s’agit-il ? Il ne s’agit pas

de dire : Adorez ce que vous avez brûlé et brûlez ce

que vous avez adoré pendant tant de siècles… Il

s’agit de donner à la société plus de calme et de sta-

bilité, et comme l’a dit un homme que la France es-

time et vous aimez tous ici, M. Thiers, « le véritable

génie de notre époque, consiste dans le simple bon

sens. »

C’est surtout dans cette belle ville de Rouen que

règne le bon sens, et c’est à lui que je dois l’unanimité

des suffrages du 10 décembre ; car, messieurs, vous

m’avez  bien jugé en pensant que le neveu de l’homme

qui a tout fait pour asseoir la société sur ses bases na-

turelles, ne pouvait pas avoir la pensée de jeter cette

société dans le vague des théories.

Aussi, messieurs, je suis heureux de pouvoir vous

remercier des 180,000 votes que vous m’avez donnés.

Je suis heureux de me trouver au milieu de cette belle

ville de Rouen, qui renferme en elle les germes de tant

de richesses ; et j’ai admiré ces collines, parées des

trésors de l’agriculture ; j’ai admiré cette rivière qui

porte au loin les produits de votre industrie…

Enfin, je n’ai pas été moins frappé a l’aspect de la

statue du grand Corneille. Savez-vous ce qu’elle me

prouve ? C’est que vous n’êtes pas seulement dévoués

aux grands intérêts du commerce, mais que vous a-

vez aussi l’admiration pour tout ce qu’il y a de no-

ble dans les lettres, les arts et les sciences.

Messieurs, je bois a la ville de Rouen, et suis pro-

fondément reconnaissant de l’accueil que j’ai reçu au-

jourd’hui de vous. »

VIII.

Banquet des exposans de l’Industrie

nationale. — 30 août 1849.

« Marieurs,

Le véritable congrès de la paix n’était pas dans la

salle Sainte-Cécile, il est ici, c’est vous qui le compo-

sez, vous, l’élite de l’industrie française. Ailleurs on ne

formait que des vœux, ici sont représentés tous les

grands intérêts que la paix seule développe. Lorsqu’on

a admiré comme moi tous ces prodiges de l’industrie

étalés aux regards de la Frame entière, lorsqu’on

pense combien de bras ont concouru à la production

de ces objets, et combien d’existences dépendent de

leur vente, on se console d’être arrivé à une époque à

laquelle est réservée une autre gloire que celle des

armes.

En effet, aujourd’hui c’est par le perfectionnement

de l’industrie, par les conquêtes du commerce qu’il

faut lutter avec le monde entier ; et dans cette lutte,

vous m’en avez donné la conviction, nous ne succom-

berons pas. Mais aussi n’oubliez pas de répandre parmi

les ouvriers les saines doctrines de l’économie politi-

que, en leur faisant une juste part dans la rétribution