gauche un coup terrible qui m’étourdit
presque. Je me retourne et j’aperçois Ă
l’angle de la rue Drouot, à trois
pas, M.
Scholl, tenant Ă deux mains, par la tige,
une canne mince, flexible, noire, avec une
pomme très
grosse, ce qu’on appelle casse-
tête ou canne plombée. Il s’avance vers
moi, en gesticulant comme un fou, pour
m’assommer. Afin de sauver ma vie, je suis obligé de
tirer mon couteau de ma poche, n’ayant
pas d’armes de défense. Je saute
Ă la
gorge de M. Scholl, et le menace, en le
traitant de lâche et d’assassin. Cet homme alors devient livide, se met
Ă trembler de tous ses membres, jette sa
canne au loin sans doute pour que
je
m’élance après elle, et pouvoir s’échapper.
Mais je ne le lâche pas. Alors il balbutie : « Je suis sans armes,
sans défense, c’est un crime de cour d’assisses, ne me tuez pas. » Ce malheureux alors me fait pitié, je
lui fais grâce, mais le saisissant par la
manche, je l’entraîne chez le
commissaire, en tenant mon couteau ouvert dans la poche, le menaçant de m’en
servir, s’il tente de s’échapper. Il obĂ©it docilement, et je le prĂ©sente Ă
M. le commissaire en lui disant : « Je vous
amène cet homme. » Le procès-verbal en
fait foi. Voilà l’exacte vérité. Ainsi, il est faux que j’aie vu M. Scholl,
que je lui aie parlé avant de recevoir son
coup d’assommoir ; il est faux que j’aie
mis
le couteau à la main avant ma blessure, puisque je lisais une lettre. La version que l’on vous a donnée se
réfute d’elle-même : si j’avais le caractère
assez violent pour, dans une
discussion,
mettre le couteau à la main, après un
coup de cravache dans la figure, comme
vous dites, je me
serais servi de mon arme, et M. Scholl en porterait les terribles traces. Il n’est pas blessé. C’est donc une calomnie ; c’est trop
évident. J’ai été attaqué par derrière par M.
Scholl. Il a saisi le moment où il n’y avait
personne entre nous deux, ni derrière
lui. Il y a d’ailleurs assez longtemps qu’il
fait contre moi d’horrible menaces de
mort pour expliquer son guet-apens
du
28 courant. Et à l’inspection de la blessure, il est
incontestable, palpable mĂŞme, pour tous,
que le coup a été porté
d’arrière en avant.
La pomme en plomb est venue me frapper
sous l’œil, et la tige sur la joue, jusqu’Ă
l’oreille également. Plainte est portée au parquet contre
cet attentat, car il faut en finir avec ces
menaces de mort, qui viennent
d’avoir un
commencement d’exécution. Puisqu’il vous plaît de parler à plusieurs
reprises de mes décorations, je dois vous
dire que lĂ encore on vous a
induit en erreur. M. Scholl le sait bien, puisqu’il a refusé d’insérer ma réponse dans son Lorgnon, et qu’il est poursuivi pour ce fait. Il y a bien longtemps que mes titres et
mes brevets de grand-cordon de François Ier sont à la chancellerie de la Légion-d’honneur. Il était donc impossible que cette
question pût m’occasionner d’autre sentiment que celui de la satisfaction. Je compte trop, Monsieur, sur votre
loyauté pour employer la formule ordinaire ; je vous prie donc d’insérer cette lettre dans votre plus prochain numéro. J’ai bien l’honneur de vous saluer. Comtedu bisson, 48, boulevard du Prince-Eugène.Réf. bibl.COURRIER DU JOURLe décret a paru. Convoqués pour les 21
et 22 novembre prochains, les Ă©lecteurs
de Paris vont pourvoir au
remplacement
de MM. Gambetta, Bancel, Jules Simon
et Ernest Picard. Deux faits contribuent à rendre ces quadruples élections extrêmement graves. L’un, c’est le conseil donné par le Rappel et le Réveil, de ne voter que pour des
hommes refusant de prĂŞter le serment
préalable prescrit par la
Constitution. L’autre, c’est la pénurie grande de candidats sérieux, j’entends de candidats offrant les mêmes garanties de talent que MM. Gambetta, Bancel, Jules Simon et Ernest Picard et se soumettant, comme Feuilleton du gaulois du 1er novembre n°2LA FENÊTRE
nouvelleMon ami intervint. – Vous vous pâmez d’aise avec un dédain de fort tireur, je présume. Je vous demanderai
grâce pour ma part car je n’ai touché de ma vie à une arme à feu, et s’il fallait commencer, je ne dédaignerais pas de m’essayer à travers les branches des
cerisiers de Montmorency. Je me réserve même dans le parc de l’Orangerie un coin
d’arbres que je sacrifierai à cet exercice – Vous vous proposez donc, monsieur,
de faire l’acquisition de cette pittoresque
propriété. – Assurément, et, pour vous parler sans
feinte, j’avais tout à l’heure une crainte
extrĂŞme que vous ne la
visitassiez dans le
même but. – Vous ne vous trompez pas, mais elle
est flanquée de hautes murailles dont l’aspect
réveille en moi un affreux souvenir. Sur quoi nous respirâmes, chacun à notre
façon : l’étranger péniblement, mon ami,
avec un poids de moins sur la
poitrine, et
moi, respectueusement. L’inconnu allait-il nous initier à son affreux souvenir ? Une exclamation involontaire engage quelquefois plus qu’on ne voudrait. Éprouvait-il le besoin de nous
expliquer ses bizarreries ? Était-il de ces hommes qui ne peuvent garder pendant huit jours le secret de
leur vie ? Ce secret lui rongeait-il le cœur ? Éprouvait-il, une fois de plus, le besoin
de l’en arracher et de le jeter au vent ? – Non, monsieur, dit-il, je n’irai pas
Transcription : Nathalie Petit
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