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Cote : g226_7_f_295__v____ | ID_folio : 2734 | ID_Transcription : 2605 | ID_Image : 8201
560LA VIE MODERNE.Chronique scientifique
L’éclairage de l’avenir
Rassurez-vous, mes chers lecteurs. Ce n’est pas de l’éclairage électrique, en si grand honneur en ce moment, que j’entends parler. À Dieu ne plaise que j’en médise ! Mais l’avenir auquel je veux me reporter en pensée n’est pas celui que verront nos fils, nos petits-fils et nos arrière-petits-fils. En l’an 3000, les cloches à gaz et les bougies Jablochkoff, que j’admire parce que je suis un bourgeois de l’an de grâce 1879, seront allées, en compagnie de bien d’autres merveilles, rejoindre les vieilles lunes oubliées.
C’est un lieu commun prudhommesque de s’extasier sur les progrès scientifiques de notre temps, et de répéter que nos descendants riront de
la naïveté et de l’ignorance de leurs aïeux du xixe siècle. Car les vérités d’alors auront dépassé les utopies d’aujourd’hui. Justifions-nous donc d’avance, s’il est possible, en donnant libre carrière à notre imagination et escomptons l’avenir ; nos rêveries seront des réalités dans mille ans.
Rêvons donc à notre problème d’éclairage idéal. La solution la plus élégante de ce problème, dirait un mathématicien de profession, consisterait à prolonger la durée du jour par l’arrêt du Soleil sur l’horizon. Avec l’aide de Dieu et les conseils d’un ingénieur comme Josué, pareille affaire ne serait qu’une bagatelle. Mais quelles conséquences ! Nos antipodes perdraient un nombre d’heures de clarté égal à celui que nous gagnerions nous-mêmes, et s’il prenait fantaisie à notre hémisphère de fixer définitivement le Soleil, la moitié de la Terre serait obligée de déménager et de se condamner aux chandelles à perpétuité. Donc le procédé est peu pratique et il faut y renoncer. C’est cependant au Soleil qu’il faut s’adresser pour avoir de la lumière à bon marché. — Si l’on pouvait, par un moyen quelconque, emmagasiner les rayons qu’il nous prodigue pendant le jour et les mettre en liberté à la brune ! Cela est-il vraiment irréalisable ? Il est toute une catégorie de corps dits phosphorescents qui jouissent de la propriété d’absorber de la lumière quand ils sont exposés au soleil ou même à la clarté diffuse du jour, et de la rendre dès qu’on les plonge dans l’obscurité. Le nombre des corps phosphorescents est assez considérable. Au nombre des plus sensibles se trouvent : le phosphore de Bologne, qui est le sulfure de baryum, obtenu en calcinant avec une matière organique une variété de sulfate de baryte qui se trouve aux environs de Bologne ; le phosphore de Canton, qui est le sulfure de calcium, préparé par Canton en calcinant un mélange de soufre et d’écailles d’huîtres pulvérisées ; enfin diverses substances telles que le sucre, la chair de certains mollusques, etc. première neige. — Dessin de G.Rochegrosse. D’autres corps désignés plus particulièrement sous le nom de fluorescents présentent le phénomène de phosphorescence, mais pendant une durée tellement courte que, dans le mode d’observation ordinaire, l’émission de la lumière par le corps paraît cesser en même temps que l’arrivée des rayons solaires sur lui. Ce phénomène est plus commun que celui de la phosphorescence de longue durée. Il se produit avec la plupart des matières organiques, le sulfate de quinine, la chlorophylle, etc., et un certain nombre de substances minérales telles que le spath fluor et le verre d’urane. Nous allions oublier dans cette nomenclature le phosphore qui doit son nom à cette intéressante propriété. Mais tous ces corps sont faiblement phosphorescents ; ils ne rendent qu’une très petite proportion de la lumière qu’ils ont reçue et ne donnent qu’une lueur et non une lumière. Il faudrait trouver (et je vous prédis qu’on y arrivera) une substance capable d’absorber une grande quantité de lumière quand elle sera soumise à la clarté du jour, ou à une lumière artificielle quelconque, et de l’émettre petit à petit dans l’obscurité. Dès lors l’éclairage public se fera simplement par règlement de voirie. Les propriétaires des immeubles seront tenus de faire badigeonner les façades, à des intervalles déterminés, avec la substance phosphorescente. Et dès que la nuit viendra, les rues seront éclairées par la radiation des façades. Chacun d’ailleurs aura la liberté, pour son éclairage intérieur, de faire recouvrir les murs de son appartement de papier ou de peinture phosphorescente, ou, s’il le préfère, de s’éclairer avec des baguettes phosphorescentes exposées au soleil pendant le jour. Voilà les lampes à huile, les becs de gaz et l’éclairage électrique bien distancés ! Ne croyez-vous pas à ce rêve ? Je vous dis, moi, que ce rêve sera un jour une réalité. En attendant ce jour, que nous ne verrons ni vous ni moi, défendons la lumière électrique, qui est le progrès, et vive Jablochkoff ! ! ! Henry VIVAREZ.

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