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Rousseau, t. 15, éd. 1791

Discours qui a remporté le prix à l'académie de Dijon en l'année 1750 sur cette question proposée par la même académie : si le rétablissement des sciences et des arts a contribué à épurer les mœurs

[ 1 ] Barbarus hic ego sum quia non intelligor illis. (Ovide)

Préface

[ 2 ] Elle indique peu de modestie. Il était crâne pour un débutant de dire ceci : « Il y aura dans tous les temps des hommes faits pour être subjugués par les opinions de leur siècle, de leur pays, de leur société. Tel fait aujourd'hui l'esprit fort et le philosophe qui par la même raison, n'eût été qu'un fanatique du temps de la Ligue. Il ne faut point écrire pour de tels lecteurs quand on veut vivre au-delà de son siècle . »

[ 3 ] ... « Quel parti dois-je prendre dans cette question ? Celui  messieurs qui convient à un honnête homme qui ne sait rien et qui ne s'en estime pas moins. » – Quel exorde comme habileté et politesse – l'académie de Dijon lui avait déjà donné le prix avant de lire le discours.

[ 4 ] Développement de cette idée : « La probité est encore plus chère aux gens de bien que  l'érudition aux doctes. Qu'ai-je donc à redouter ? »

Première partie

[ 5 ] L'humanité retombée dans la barbarie des premiers âges se réveille à la renaissance : « à l'art d'écrire se joignit l'art de penser, gradation qui paraît étrange et qui n'est peut-être que trop naturelle »...

[ 6 ] Selon Jean - Jacques  Rousseau, les besoins de l'esprit font l'agrément de la société. Les lettres étendent des chaînes de fleurs sur les fers du despotisme. « Le besoin éleva les trônes ; les sciences et les arts les ont affermis. »

[ 7 ] Comparaison des lettrés à l'habit d'un courtisan la force et la santé se trouvent sous l'habit rustique du laboureur.

[ 8 ] Avant la politesse des mœurs « la nature humaine au fond n'était pas meilleure, mais les hommes trouvaient leur sécurité dans la facilité de se pénétrer réciproquement et cet avantage dont nous ne sentons plus le prix, leur épargnait bien des vices ».

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[ 1 ] et cet avantage dont nous ne sentons plus le prix, leur épargnait bien des vices ».

[ 2 ] Difficulté actuelle de connaître à quoi s'en tenir sur le compte d'un homme - de là, haines déguisées, défiances, dissolution des liens. « On ne vantera pas son propre mérite, mais on rabaissera celui d'autrui ; on n'outragera point grossièrement son ennemi, mais on le calomniera avec adresse. Les haines nationales s'éteindront mais ce sera avec l'amour de la patrie. »

[ 2 ] Et les mêmes causes sont aussi vieilles que le monde « l'élévation et l'abaisssement journalier des eaux de l'océan n'ont pas été plus régulièrement assujettis au cours de l'astre qui nous éclaire durant la nuit, que le sort des mœurs et de la probité au progrès des sciences et des arts. On a vu la vertu s'enfuir à mesure que leur lumière s'élevait sur notre horizon et le même phénomène s'est observé dans tous les temps et dans tous les lieux. » - Exemples de  l'Égypte soumise par Cambyse, les Grecs, les Romains, les Arabes et les Turcs - la Grèce conquise par la Macédoine.

[ 3 ] Rome commence à dégénérer au temps d'Ennius et de Térence - et l'empire d'Orient - immoralité de la Chine, où les lettres sont fort en honneur.

[ 4 ] Au contraire les premiers Perses et les Germains - Sparte chassait les artistes et les savants tandis que Pisistrate faisait recueillir les poésies d'Homère. « Il ne nous reste de ses habitants (Sparte) que la mémoire de leurs actions héroïques. De tels monuments vaudraient-ils moins pour nous que les marbres curieux qu'Athènes nous a laissés ? »

[ 5 ] Voir p. 37 l'opinion de Socrate sur les artistes et les savants.

La vieille Rome vertueuse ! Idée historique  

[ 6 ] À Rome tout déchoit avec l'introduction des sectes philosophiques. « Jusqu'alors les Romains s'étaient contentés de pratiquer la vertu ; tout fut perdu quand ils commencèrent à l'étudier ».

[ 7 ] Ici vient la fameuse prosopopée de Fabricius : « Parmi nous, il est vrai Socrate n'eût point bu la ciguë, mais il eût bu, dans une coupe encore plus amère, la raillerie insultante et le mépris pire cent fois que la mort ». ( p. 42)

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2.

Copie  

[ 1 ] La nature a caché la science, dans l'intérêt de l'homme. « Les hommes sont pervers : ils seraient pires encore, s'ils avaient eu le malheur de naître savants ». ( p.  43)

[ 2 ] Il faut considérer les sciences et les arts en eux-mêmes et voir ce qui doit résulter de leur progrès.

IIe partie

Comment Jean - Jacques  Rousseau comprend le mythe de Prométhée  

[ 3 ] « C'était une ancienne tradition passée de l'Égypte en Grèce, qu'un Dieu ennemi du repos des hommes était l'inventeur des sciences  ». Jean - Jacques  Rousseau ne voit pas autre chose dans le mythe de Prométhée.

Origine des sciences, honteuse. Copie   

[ 4 ] Les sciences ont une origine honteuse. «  L'astronomie est née de la superstition ; l'éloquence de l'ambition, de la haine, de la flatterie, du mensonge ; la géométrie de l'avarice ; la physique d'une vaine curiosité ; toutes, et la morale même, de l'orgueil humain. »

[ 5 ] Leur objet n'est pas plus édifiant : «  Que ferions-nous des arts, sans le luxe qui les nourrit ? Sans les injustices des hommes, à quoi servirait la jurisprudence ? Que deviendrait l'histoire s'il n'y avait ni tyrans, ni guerres, ni conspirateurs ? »... Sommes-nous donc faits pour mourir attachés sur les bords du puits où la vérité s'est retirée ? Cette seule réflexion devrait rebuter dès les premiers pas tout homme qui chercherait sérieusement à s'instruire par l'étude de la philosophie. »

Dangers des sciences   

[ 6 ] Que de dangers dans l'investigation des sciences  : « le faux est susceptible d'une infinité de combinaisons, mais la vérité n'a qu'une manière d'être ». - Et  admettant qu'on l'ait trouvée qui de nous en saura faire un bon usage ?

Effets des sciences Copie     

[ 7 ] Dangereux effets des sciences . Nées de note l'oisiveté elles l'entretiennent. « Et la perte irréparable du temps est le premier préjudice qu'elles causent nécessairement  à la Société. »

[ 8 ] Apostrophe  : « Répondez-moi donc philosophes illustres, vous par qui nous savons, etc. , etc. ». Quand nous ne saurions pas ces choses en serions-nous moins heureux note  ? « Revenez donc

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[ 1 ] « Revenez donc sur l'importance de vos productions » ... Et alors que dire de la foule de petits écrivains oisifs - qui font le mal pour se distinguer.

[ 2 ] Le luxe suit les lettres - c'est à tort qu'on dit qu'il fait la splendeur des états - en tout cas on ne peut nier qu'il ne soit diamétralement opposé aux bonnes mœurs.

[ 3 ] L'homme maintenant s'évalue d'après l'argent - et   pourtant ce sont toujours les républiques pauvres qui ont subjugué les pays riches. Exemples historiques. ( p.  50-51)

[ 4 ] «  Le goût du faste ne s'associe guère dans les mêmes âmes avec celui de l'honnête - Non, il n'est pas possible que des esprits dégradés par une multitude de soins futiles s'élèvent  jamais à rien de grand ; et quand ils en auraient la force, le courage leur manquerait ».

Bassesse des artistes .  C'est vrai. Mais  un auteur impartial aurait dû aussi dire le contraire.

[ 5 ] Tout artiste veut être applaudi - et pour être applaudi descend au niveau de son siècle ( p. 53). « Dites-nous, célèbre Arouet, combien vous avez sacrifié de beautés mâles et fortes à notre fausse délicatesse, et combien l'esprit de la  galanterie si fertile en petites choses vous en a coûté de grandes. » Si un homme résiste, il mourra dans l'indigence. Le pinceau d'un grand peintre sera prostitué à orner de peintures lascives le panneau d'un vis-à-vis... «  Inimitable Pigal ta main se résoudra à ravaler le ventre d'un magot, ou il faudra qu'elle demeure oisive. »

[ 6 ] « Quand les hommes innocents et vertueux aimaient à avoir les dieux pour témoins de leurs actions, ils habitaient ensemble sous les mêmes cabanes ; mais bientôt devenus méchants, ils se lassèrent de ces incommodes spectateurs et les reléguèrent dans des temples magnifiques. »

[ 7 ] Tandis que les commodités de la vie s'étendent le courage s'énerve. - Des hommes qui y sont habitués peuvent être braves, mais ils ne résisteront pas à la fatigue.

[ 8 ] La culture des sciences est aussi nuisible et encore plus aux qualités morales - Critique vague de l'éducation de la jeunesse.

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3.

[ 1 ] « Que faut-il donc qu'ils apprennent ? Voilà certes une belle question. Qu'ils apprennent ce qu'ils doivent faire étant hommes, et non ce qu'ils doivent oublier ».

Jean - Jacques  Rousseau ennemi de la sculpture   

[ 2 ] Indécence , niaiserie et immoralité des représentations de la sculpture .  ( p.  61- 62)

[ 3 ] Ces abus viennent de l'inégalité funeste introduite entre les hommes par la distinction des talents ... « On ne demande plus d'un homme s'il a de la probité  mais s'il a des talents ni d'un livre s'il est utile, mais s'il est bien écrit. » ... «  Il y a mille prix pour les beaux discours aucun pour les belles actions. Qu'on me dise, cependant, si la gloire attachée au meilleur des discours qui seront couronnés dans cette académie est comparable au mérite d'en avoir fondé le prix. » - Démoralisation de la vertu du sage en voyant la préférence des talents agréables sur les talents utiles.

Éloge des Académies   

[ 4 ] Mais de même que le remède se tire du mal même, dans la nature l'institution des académies maintient la pureté des moeurs et l'exige dans ses membres ( p.  64) - Elles seront un frein aux gens de lettres -

Copie   

[ 5 ] Mouvement contre les philosophes Dans l'antiquité on n'avait point encore inventé l'art d'éterniser les extravagances de l'esprit humain. Mais grâce aux caractères typographiques et à l'usage que nous en faisons les dangereuses rêveries des Hobbes et des Spinoza note resteront à jamais.

Rousseau se prononce contre la vulgarisation des sciences

[ 6 ]  La vulgarisation des sciences et des lettres et la facilité d'y aborder, chose funeste, aux individus : « tel qui sera toute sa vie un mauvais versificateur, un géomètre subalterne, serait peut-être devenu un grand fabricateur d'étoffes. » Il n'y a pas eu besoin de maîtres pour les grands hommes. « Des maîtres ordinaires n'auraient pu que rétrécir leur entendement en le resserrant dans l'étroite capacité du leur. » ( p.  69 )

[ 7 ] Jean - Jacques  Rousseau appelle Bacon « le plus grand peut-être des philosophes ».

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[ 1 ] «  L'âme se proportionne insensiblement aux objets qui l'occupent et ce sont les grandes occasions qui font les grands hommes. » Si Bacon et Cicéron eussent été dans une position sociale inférieure ils n'eussent pas fait ce qu'ils ont fait. - Nécessité des gouvernements  à appeler à eux les hommes de talent et de vertu de toutes les classes.

[ 2 ] Apostrophe à la vertu - que les hommes ordinaires se bornent à la cultiver. « Et sans envier la gloire de ces hommes célèbres qui s'immortalisèrent dans la république des Lettres , tâchons de mettre entre eux et nous cette distinction glorieuse qu'on remarquait jadis entre deux grands peuples ; que l'un savait bien dire et l'autre bien faire. » ( p.  73)