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Cote : g226_4_f_065__v_do__ | ID_folio : 1143 | ID_Transcription : 3115 | ID_Image : 3428
JOURNAL DE ROUEN DU JEUDI 17 DÉCEMBRE 1868
La tempête du 6 au 7 du courant a occasionné des dégâts à Millebosc. Un énorme tilleul, plusieurs fois centenaire, qui se trouvait dans l’enceinte du cimetière de cette commune, a été déraciné et est tombé sur la toiture de l’église qu’il a effondréeLes frais occasionnés par la chute de cet arbre sont évalués de 1,000 à 1,200 fr. La couverture de l’église venait d’être restaurée.
A l’occasion de la mort de Mme Grout, d’Envermeu, mère de M. Jules Grout, conseiller général, les membres de cette famille ont versé pour les pauvres une somme de 200 fr. dans la caisse du bureau de bienfaisance d’Envermeu. Samedi, la péniche des douanes de Quillebeuf a retiré de la Seine, entre Vatteville et Vieux-Port, le cadavre du nommé Jean- François Lether, marin à bord de l’un des bateaux affectés aux travaux de l’endiguement de la Seine. Lether était tombé dans le fleuve le 9 novembre, en exécutant une manœuvre.Les hommes qui montaient la péniche l’ont déposé à Vieux-Port, où il a des parents qui l’ont fait inhumer.CHRONIQUE JUDICIAIRETRIBUNAL CORRECTIONNEL DE BORDEAUX
Présidence de M. Manières
Audience du 14 décembre
AFFAIRE DES P P. JÉSUITES de L'ÉCOLE DE TIVOLI — LES P P. DE LA JUDIE ET COMMIRE, PRÉFET et SOUS- PRÉFET DES ÉTUDES, PRÉVENUS DE COUPS ET BLESSURES PORTÉS AU JEUNE JOSEPH SÉGÉRAL. — Le P. ROUX, RECTEUR, CITÉ COMME CIVILEMENT RESPONSABLE.Cette affaire a tellement surexcité l’opinion publique que, dès dix heures du matin, les abords du palais ont été assiégés par la foule. Lorsque, à midi un quart, le tribunal ouvre l’audience, la salle est envahie à ce point, que, ni derrière les sièges des magistrats, ni dans l’enceinte réservée d’ordinaire au témoins et au barreau, il ne reste place même pour un auditeur debout. Des ecclésiastiques, des officiers, des fonctionnaires, entre autres M. l’inspecteur de l’Académie, nombre de magistrats, d’avocats et d’avoués, M. le commissaire central, sont aux premiers rangs. Au dehors, la masse de ceux qui n’ont pu entrer envahit les escaliers qui mènent aux tribunes, et quelques-uns escaladent les fenêtres, sur l’appui desquelles ils s’établissent. Il faut un moment pour obtenir un demi-silence. Enfin, à midi et demi, la cause est appelée. Les prévenus sont présents et assistés de Me de Sèze, Mes Émile Durier, du barreau de Paris, et Bernard, du barreau de Bordeaux, assistent la partie civile. M. le substitut Bourgeois occupe le siège du ministère public.Le premier témoin entendu est le jeune Joseph Ségéral, âgé de treize ans et demi. Il dépose :J’étais élève de l’école des P P. Jésuites de Tivoli. Le 22 novembre dernier, à l’étude du matin, j’eux une querelle avec un de mes voisins, le jeune de Larrard. Comme cette querelle attira l’attention du surveillant et que j’avais donné un coup à mon camarade, je fus réprimandé. A l’étude de onze heures, la querelle reprit. Il s’agissait d’une somme de 75 centimes que de Larrard me devait, et que je lui réclamais. Il ne voulait me donner que 50 centimes, me demandant délai pour le reste. Dans notre dispute, je relevai brusquement le coude, qui le frappa au nez et le fit saigner. De Larrard me rendit le coup, et le surveillant intervint pour nous corriger tous les deux manuellement. Presque aussitôt après, je fus mis au cachot, où je restais jusqu’à dix heures du soir sans avoir reçu que du pain sec à quatre heures et huit heures, bien que je n’eusse rien pris depuis le matin sept heures et demi, et qu’à deux heures j’eusse demandé de la nourriture et de l’eau. Le cachot où j’étais ne prenait jour que par une fenêtre qui éclaire le corridor où il touche. Le sol est bitumé. Il n’y avait aucun siège, aucun meuble, rien qu’un vase de nuit.A dix heures, le P. Commire, sous-préfet des études, vint me trouver. Il me dit d’ôter mon pantalon. Je voulus obéir, mais mes souliers m’en empêchaient. Le Père me dit alors d’ôter aussi mes souliers. Lorsque cela fut fait, il retroussa ma chemise et m’administra plusieurs coups de discipline avec une grande violence. Exaspéré par la douleur, j’essayai de lui résister, et je lui échappai en me réfugiant dans le corridor voisin, et de là dans la chambre à coucher du P. de la Judie, préfet des études, que je trouvai lisant. Ce père me remit entre les mains du père Commire ; je fus jeté sur le lit, le P. Commire étouffait mes cris, soit en me fermant la bouche, soit en me pressant contre le matelas. En même temps, il me fustigeait très fort avec sa même discipline. Le P. Poitrasson était présent. Quand le P. Commire eut achevé la correction à son gré, il me laissa aller et je rejoignis mon dortoir, où je me couchait. Le lendemain, je dus reprendre les exercices ordinaires de la maison. J’avais cependant la figure, tous les membres, mais surtout une fesse et les cuisses, extrêmement endoloris. Quelques jours après, ma mère vint me voir au parloir, sut ce qui m’était arrivé, et mon père me fit sortir de la maison.D. Lorsque vous avez raconté à vos camarades la correction qui vous avait été infligée, que vous dirent quelques-uns d’entre eux ? — R. Qu’ils en avaient reçu autant dans d’autres occasions. Je citerai de Connat, de Montfort et de Longat.2e témoin. — Émile DÉRANGES, médecin assermenté près le tribunal, a examiné le jeune Ségéral après sa sortie de l’école de Tivoli, et une seconde fois, dix-sept jours après les coups reçus. Nous avons reproduit textuellement le premier rapport du docteur. Le second constate que les sévices ne laissent plus de douleur bien sensible, mais que la trace en est encore apparente.Sur la demande de M. l’avocat impérial, deux pièces à conviction ont été apportées, la chemise qu’avait le jeune Ségéral dans la journée du 22 novembre, et la discipline. La chemise est déchirée aux poignets par suite de la lutte de l’enfant avec le P. Commire ; elle porte quelques petites taches de sang. La discipline est une réunion de cordes solidement tressées, qui se terminent par plusieurs brins à nœuds. Le jeune Ségéral reconnait que c’est avec cet instrument qu’il a dû être frappé.3e témoin. — DE CONNAT, quatorze ans et demi, élève de l’école des jésuites à Tivoli : le 23 novembre, pour une faute commise du réfectoire, je fus mis au cachot vers les sept heures et demie du matin. J’y restai jusqu’à huit heures et demie du soir sans manger, et je reçus une correction du P. Commire.D. Votre déposition écrite est beaucoup plus explicite. Vous y déclarez que de votre cachot vous avez souvent réclamé des aliments, qui vous ont été refusés ; enfin, et surtout, que le soir le P. Commire vint dans votre cellule et vous dit : « je suis l’exécuteur : je n’ai contre vous aucun motif de haine ; mais il faut que je vous fustige. » Vous ajoutez qu’alors, sur votre refus de vous déshabiller, vous reçûtes des coups de cravache si vivement administrés, que votre pantalon en fut déchiré. Est-ce vrai, cela ? — R. C’est un peu exagéré. Ainsi les déchirures de mon pantalon ont pu être faites par des clous d’une caisse qu’il y avait dans le cachot, et sur laquelle je m’agitais beaucoup.D. Mais le reste est-il vrai ? Est-il vrai que vous êtes resté tout le jour sans nourriture, et que le P. Commire vous a dit : « Je suis l’exécuteur. » — R. Oui, il est vrai que je n’ai pas mangé ; mais je ne sais trop si le P. Commire m’a dit les paroles que je lui ai attribuées.Me É DURIER : Je demande au témoin si depuis qu’il a été entendu dans l’instruction, on l’a prié d’atténuer sa première déposition — R. On m’a laissé libre de dire ce que je voudrais ». (Hilarité et mouvement)4e témoin. — Léon DE MONFORT, treize ans et et demi, élève de l’école des P P. Jésuites à Tivoli : Un jour de l’année dernière, comme je venais de commettre une faute grave, après en avoir commis un certain nombre depuis très peu de temps, je demandai au P. Commire de me châtier en m’administrant des coups de discipline. Il a fait ce que je lui demandais, il me les a donnés. (Hilarité.)D. Mon enfant, si ce que vous dites là est vrai, il faut avouer que vous êtes l’écolier le plus extraordinaire, le plus singulier, le plus excentrique, non seulement de Bordeaux, mais encore peut-être du monde entier. Comment ! c’est vous qui demandez à votre maître de vous administrer le fouet ! c’est vous qui priez qu’on veuille bien vous fouetter ! — R. Oui, monsieur.D. Et vous avez reçu, avez-vous dit dans l’instruction, soixante coups de fouet ? — R. Oh ! ceci est bien sans doute un peu exagéré. Je ne pense pas en avoir reçu autant.D. Enfin, quel que soit le nombre, cela vous a- t-il fait du mal ? — R. Non monsieur.D. Tout au contraire, sans doute ; vous en avez été très satisfait ? — R. Oui, monsieur.D. Je répète que vous êtes un prodigieux écolier ! Dans l’instruction, votre déposition, légèrement différente de celle que vous venez de faire, quoique encore bien étonnante serait cependant plus croyable. Vous y disiez que le P. Commire vous ayant offert de vous administrer la discipline, vous y aviez consenti. Aujourd’hui, vous renchérissez là-dessus. Ce n’est plus le père Commire qui vous a offert, c’est vous qui avez demandé. Je dois vous dire que votre première version est conforme, et non pas celle d’aujourd’hui, à la déclaration du P. Commire. — R. Monsieur le président, qui accepte demande ! (Mouvement très marqué dans l’auditoire)M. Le PRÉSIDENT : Qui accepte, demande ! dites- vous. C’est là, mon enfant, une singulière maxime, et que ne vous a pas suggéré une connaissance loyale du sens des mots. A moins d’avoir les notions perverties ou d’être le dernier de votre classe en synonymie, vous devez savoir qu’accepter n’est pas du tout la même chose que demander. Par conséquent, en disant l’un pour l’autre, vous ne dites pas du tout la vérité.5e témoin. — DE LOUGAT, douze ans et demi, élève de l’école des P P. Jésuites de Tivoli : Je ne sais rien, je n’ai rien à dire, sinon qu’en accusant les Pères de m’avoir battu, comme je l’ai fait, j’ai menti. Je me trouve très bien à Tivoli ; je n’y ai jamais été maltraité ; les RR. PP. ont toujours été trés bons pour moi.M. Le PRÉSIDENT : Dans l’instruction, mon enfant, vous avez déposé ce qui suit : que vous étiez dans la cour de récréation avec le jeune Ségéral : que celui-ci vous raconta les sévices dont il était l’objet le 22 novembre : qu’alors vous lui dites avoir été fustigé vous-même peu de temps auparavant, mais dans un autre cachot et avec un martinet à manche, au lieu d’une corde à nœuds. Cette déclaration de votre part était corroborée par le témoignage de Ségéral, qui rapportait votre conversation dans les mêmes termes. Aujourd’hui, vous prétendez que tout cela est mensonge ; qu’au moins il est faux que vous ayez jamais été battu. — R. Oui, monsieur j’ai bien dit cela à Ségéral ; mais ce n’était pas vrai.D. Rien n’était vrai ? Ces détails, ces circonstances d’un autre cachot, d’un autre instrument, de coups qui vous auraient laissé des traces aux jambes et aux reins pendant hait jours, cette particularité, que vous étiez puni pour avoir appelé un de vos professeurs asperge, tout cela était de voire invention ? R. Oui, monsieur.D. Et pourquoi aviez-vous menti, mon enfant ? Parce que le jour où l’on m’a interrogé j’étais en colère, ayant été puni le matin.D. Mais quand vous aviez confié à Ségéral qu’on vous avait battu, vous n’étiez pas en colère ? Pourquoi lui avez-vous fait cette histoire ? — R. Une idée ! mais c’était faux, et la vérité est que jamais on ne m’a battu.Sixième témoin. — MAYDIEU, dix-huit ans, ancien élève de l’école des P P. jésuites de Tivoli : Il y a cinq ans et demi environ, j’étais élève de Tivoli. Un jour, pour une faute d’écolier, je fus mis au cachot. Le soir venu, le sous-préfet d’alors, qui n’était pas le P. Commire, et dont j’ai oublié le nom, mais que je reconnaîtrais à merveille si on le représentait, m’invita à le suivre et me fit monter au quatrième étage de la mason, au grenier. Là il me dit que j’allais recevoir une correction manuelle. Je le priai, je le suppliai, mais en vain. Il me déshabilla de vive force, puis, à son appel, un garçon arriva, le visage dissimulé par une barbe postiche et un masque d’escrime. Malgré mes plaintes, mes instances, mes cris, cet homme m’administra plusieurs coups de bâton, jusqu’à ce que le père eût dit que c’en était assez.Septième témoin. — Rémy TRÉYÉRAN négociant à Bordeaux : Mon fils était, à l’école de Tivoli, voisin de classe du jeune Ségéral, et maintes fois il a eu à se plaindre de ses brutalités qui dépassaient de beaucoup des malices d’écolier. Ainsi Ségéral prenait plaisir à fixer sur le siège de mon fils des morceaux de plumes d’acier qui lui entraient dans les chairs. Mon fils en a été souvent blessé et il s’en est plaint.Huitième témoin. — Maurice de LARRARD, douze ans, élève à l’école Tivoli : Le matin du 22 novembre, j’avais eu une première querelle à l’étude avec mon voisin Ségéral. Il s’agissait d’une petite dette qu’il me réclamait plus vite que je ne devais la lui paver. Ségéral me donna un coup de poing qui me fit saigner. A la seconde étude, Ségéral recommença. Je saignai encore du nez, et alors on l’emmena au cachot.Neuvième témoin. — DE LONGRAT père, ancien officier de marine, demeurant à Bordeaux : J’ai mis mon fils en pension chez les Révérends Pères jésuites de Tivoli, et je leur ai donné tous les droits de correction sur lui Je ne crois pas qu’ils l’aient jamais frappé. Mon fils ne me l’a jamais dit. Mais s’ils l’avaient fait, convaincu que c’eût été pour son bien, je les en aurais remerciés.M. Le PRÉSIDENT : Témoin, que voulez-vous dire ? Admettez-vous donc que ce soit un bon moyen d’éducation de corriger les enfants en les frappant ? — R. Oui, monsieur, quand il y a lieu.M. Le PRÉSIDENT : Monsieur, un maître qui frappe un enfant ne le corrige pas, il l’abrutit. Ne pensez pas d’ailleurs que le père ait le droit de battre son enfant. La loi interviendrait alors pour protéger l’enfant et nous condamnons ici, au nom de la loi, les pères qui abusent de leur autorité et de leur force pour sévir cruellement contre un être plus faible qu’eux. Vous n’aviez donc pu déléguer aux P P. Jésuites un pouvoir que vous- même n’avez pas. — R. Monsieur le président, mon fils a l’imagination très vive ; il invente, ment souvent. C’est une histoire particulière qu’il faut redresser de bonne heure, et j’aime mieux que mon fils soit fustigé à douze ans que s’il devait être à trente ans un malhonnête homme.M. Le PRÉSIDENT : Mais admettriez-vous donc, monsieur, qu’on eût agi envers votre fils comme on l’a fait envers le jeune Ségéral ? Que l’on eût déchiré sa chemise, étouffé ses cris et blessé ses reins et ses cuisses ? — R. Oui, monsieur, s’il l’avait mérité.M. Le PRÉSIDENT : Allons, monsieur, vous vous croyez encore à votre bord ! Ce sont là des traitements que l’on emploie vis-à-vis des coolies ou des mousses !M. L'AVOCAT IMPÉRIAL : Non pas vis-à-vis des mousses. La garcette est interdite.M. Le PRÉSIDENT : Je vous répète, monsieur, que ces moyens d’éducation ne sont pas plus admis par la loi que par la raison et la morale. Ce n’est pas ainsi que l’on peut espérer former l’intelligence et cœur des enfants. (Applaudissements danss l’auditoire)M. Le PRÉSIDENT : Je vous invite au silence, messieurs, je ne cherche pas vos applaudissements. Toute marque d’approbation ou d’improbation est ici une inconvenance. Et, pour moi, j’ai seulement exprimé selon mon devoir de président, et comme un bon père de famille, comme un homme, les sentiments qui sont dans la nature.LE TÉMOIN : Je maintiens que j’aime mieux voir mon fils corrigé à douze ans que malhonnête homme à trente. Et quand on a une confiance absolue dans les maîtres, comme je l’ai dans les RR. PP. Jésuites, on peut leur donner tous les droits que l’on a soi-même.10e TÉMOIN . — Mme DE LONGAT, demeurant à Bordeaux : Je vois mon fils à l’école de Tivoli au moins tous les huit jours, presque toujours deux fois la semaine. S’il eût été frappé par les RR. PP., je l’aurais su. Je suis donc certaine qu’il a menti quand il l’a dit avoir été frappé, et qu’aujourd’hui il dit la vérité en se rétractant.D. Mais, madame, votre fils disait avoir été frappé à un endroit qui ne se voit pas au parloir. Vous auriez pu ignorer cette correction qu’il aurait subie, et que, par un sentiment facile à comprendre, il vous aurait cachée — R. Monsieur, mon fils me dit tout. Il ne m’a jamais dit cela. C’est un enfant à imagination ardente. Je suis persuadée qu’il a menti en accusant ses maitres. D’ailleurs, ses maîtres l’auraient corrigé…M. LE PRÉSIDENT : Vous ne voulez assurément pas dire madame, que si ses maîtres l’eussent mis en sang, eussent déchiré sa chemise, étouffé ses plaintes, vous auriez approuvé cela ? — R. Non. monsieur ; mais…M. LE PRÉSIDENT : Cela suffit madame, il n’y a pas un cœur de mère qui put faire une autre réponse.LE TÉMOIN : J’achève ma déposition, monsieur le président, en déclarant que le jour où j’appris l’aventure du jeune Ségéral, j’allai à l’école de Tivoli voir mon fils. Je lui demandai s’il avait quelques fois été frappé. Il me répondit que non.11e TÉMOIN. — M. DE MONFORT père, demenrant à Narbonne : Je confirme la déposition faite par mon fils dans l’instruction, parce que je ne doute pas de sa sincérité. Mon fils est d’un tempérament exceptionnel. Non seulement il est capable de réclamer une punition corporelle qu’il croirait avoir méritée ; mais même je l’ai surpris le corps ceint d’une discipline avec laquelle il se fustigeait lui-même quand il jugeait devoir le faire.M. LE PRÉSIDENT : Ceci, monsieur, passe toute mesure. Si votre fils en est là, je vous engage à le surveiller de très près, car ce sont là des actes de folie.LE TÉMOIN : J’ai été, monsieur, très affligé de cette découverte. Cependant, j’ai dû vous faire connaître la vérité. Le caractère de mon fils est ainsi. J’ajoute que j’aurais désespéré de le cultiver moi-même comme il convenait, et que je sais un gré infini au R. P. Rous des soins qu’il lui a prodigués, et qui ont obtenu des résultats excellents. Je suis si reconnaissant à ce Père, que, où il ira, je confierai sans hésiter et aveuglément mon fils à sa direction.La liste des témoins est épuisée. M. le président procède à l’interrogatoire des prévenus.FRANÇOIS COMMIRE, âgé de trente-cinq ans, né à Muret (Haute-Garonne), sous-préfet des études à l’école de Tivoli.D. Vous êtes prévenu d’avoir, le 22 novembre dernier, porté des coups et fait des blessures au jeune Joseph Ségéral, âgé de treize ans ? — R. Le cas n’est pas niable, monsieur le président.D. Vous avez été cruel pour cet enfant. Vous l’avez couvert de contusions Le matin, vous lui avez tiré les cheveux en le menant au cachot ; vous le laissez, de huit heures à quarte heures, sans boire ni manger ; à quatre heures, vous lui donnez du pain sec ; à sept heures du soir, encore du pain sec ; et à dix heures, tout cela n’a pas suffi, vous arrivez dans sa cellule, vous le faites déshabiller, vous lui retroussez sa chemise, vous le frappez à coups redoublés. Il vous échappe, vous le poursuivez, vous le rejoignez, le jetez sur un lit, et vous frappez encore, en étouffant ses plaintes, et lui fermant la bouche, jusqu’à ce qu’enfin il vous échappe encore et gagne son lit à travers l’obscurité. N’avez-vous pas pensé que cet appareil, cette succession de châtiments pourraient influer d’une façon désastreuse sur le cerveau de l’enfant, et qui sait, peut-être le rendre fou ? N’est-ce pas assez de la première punition ? — R. Monsieur le président, la première punition eût pu suffire pour une faute isolée. Mais il y avait des fautes nombreuses. Quant aux mauvais traitements, on les a exagérés. La preuve que je ne tenais pas l’enfant bien fort, c’est qu’il m’a échappé, au moment où il avait reçu seulement quatre à cinq coups. Ensuite, je ne l’ai pas bâillonné ; je lui ai mis la main devant les lèvres pour l’empêcher de crier. Enfin, il est bien certain que dans tout ce qui s’est passé, je n’ai cédé à aucun sentiment de haine ou de colère personnelle, mais je n’ai recherché que l’intérêt de l’enfant. Je reconnais m’être trompé en recourant à ce moyen ; je regrette d’avoir frappé plus et plus fort que je n’aurais dû et voulu, car je voulais moins donner à l’enfant une correction sensible qu’une correction humiliante ; mais j’ai agi de bonne foi.D. En frappait le jeune Ségéral, vous avez obéi, n’est ce pas, à un ordre du P. de la Judie et rempli un devoir de votre charge ? — R. Non, monsieur Je n’avais pas reçu d’ordre du P. de la Judie. J’ai infligé la correction après entente avec ce Père, mais sans ordre de sa part.D. Mais le P. de la Judie est votre supérieur, il n’a donc pas à s’entendre avec vous. Il vous donne des ordres que vous exécutez ? — R. Le P. de la Judie est sans doute le préfet des études ; mais pour une correction de ce genre, la hiérarchie n’existe pas, aucun ordre ne m’a été donné, et, on m’en aurait donné un, que j’aurais été parfaitement en droit de ne pas y obéir. J’ai agi de mon propre mouvement, après m’être entendu avec le P. de la Judie.D. Il serait d’autant moins étonnant que l’on vous ait donné un ordre, que cet office rentrait, avez-vous dit, dans votre charge — R. Oh ! non, monsieur. Si j’ai dit cela, je le rétracte. C’est inexact.Me BERNARD : Vous ne pouvez pas rétracter cela, monsieur Commire. Vous l’avez écrit et signé. Je lis, en effet, dans votre déposition recueillie par l’instruction, et en tête : « Par la nature de mes fonctions ; j’ai le pénible devoir d’infliger aux élèves les corrections qu’ils ont méritées. » Plus loin : « Je dis à l’enfant de se déshabiller pour recevoir une punition qu’il était de ma charge de lui donner. » Et vous avez signé. — R. Oui, mon sieur, mais à tort. J’avais eu tort de dire cela à M. le Commissaire, et j’ai eu tort de le signer. Du reste, mon inexpérience complète des choses judiciaires explique cela. Je ne savais pas que ma déposition dût être écrite et signée. Lorsque je vis que M. le commissaire la dictait, je le priai de me permettre de l’écrire moi-même ; ce qui me fut accordé. Ce que j’ai écrit est vrai, sauf ces mots « qu’il était de ma charge de lui donner ; » les deux premières lignes ne sont pas de mon écriture, et je les rétracte.D. Mais vous les avez signés ? Vous avez dit ce qui s’y trouve ? — R. Oui ; mais je n’aurais pas dû le dire, parce que cela n’est pas. Je le rétracte.D. Un témoin a déclaré pourtant qu’en venant le trouver pour lui infliger une correction, vous lui avait dit : « Je suis l’exécuteur » Cela concorde bien avec votre déposition écrite. — R. Je ne crois pas avoir tenu ce propos. Mais je répète qu’il n’y a pas chez nous de charge qui oblige à administrer les corrections manuelles. Notre règle nous interdit même ces punitions.M. LE PRÉSIDENT : Si votre règle vous les interdit, il n’y parait guère ; car vous avez ainsi flagellé le jeune de Connat et le jeune de Montfort ? — R. Il y a, dans le récit qu’on a présenté de ces deux faits, des exagérations. De Connat a été frappé de quelques coups d’une demi-cravache par-dessus ses vêtements. Je lui avais demandé de les ôter, et comme je vis qu’il ne le voudrait pas, je n’insistai pas. Il s’agissait beaucoup moins de lui faire un mal sensible que de l’humilier parce qu’il se montrait orgueilleux. Je nie absolument que ces coups aient pu déchirer son pantalon. Si le pantalon a été déchiré, c’est aux clous de la caisse qui était dans le cachot, et sur laquelle de Connat s’agitait violemment.M. LE PRÉSIDENT : Que la cravache ait produit les déchirures, ou que les déchirures soient venues de ce que de Connat s’agitait sous le fouet, il n’y a pas grande différence. Et de Montfort ? — R. Ce qu’a raconté de Monfort est vrai. Comme il avait commis une série de fautes, et notamment une faute grave, je lui proposai de le corriger avec la discipline. Il a accepté. On a seulement exagéré le nombre des coups ; il n’y en a pas eu soixante.M. LE PRÉSIDENT : Ce fait là s’est produit avec une circonstance particulière que je dois vous prier d’expliquer. Vous avez engagé votre parole vis-à-vis de Montfort. que vous ne révéleriez pas la punition que vous lui aviez infligée, et vous avez tenu à consigner dans l’instruction que ce n’était pas vous qui aviez le premier manqué à ceette promesse. — R. Oui, monsieur. De Montfort étant assez puni m’avait demandé de lui éviter l’humiliation de la publicité, le déshonneur. Je le lui avais promis et devais tenir ma parole.M. LE PRÉSIDENT : Le déshonneur ! dites-vous. vous trouvez donc qu’il y a du déshonneur à recevoir des coups ! Et vous en donnez à des enfants ? Ce ne sont pas là des moyens ordinaires de bonne éducation. — Le second prévenu ?PAUL DE LA JUDIE, trente ans, préfet des études de l’Ecole de Tivoli. — D. Vous êtes prévenu, monsieur, de complicité dans les coups et blessures portés par M. Commire aux jeunes Ségéral, de Connat et de Montfort. Quelles sont vos explications ? N'avez-vous pas ordonné de sévir contre ces enfants ? — R. Le jeune Ségéral, que vous citez le premier, était un élève très indiscipliné. Le matin du 22, il avait blessé un de ses camarades ; à onze heures, la même scène se reproduit. Le fait m’est signalé par le surveillant ; je réclame l’enfant en écrivant : il est juste que le faible ne soit pas victime du plus violent ; envoyez-moi Ségéral. Quand je vis l’enfant, je lui dis : Je ne veux pas m’abaisser à vous donner des coups de poing, quoique votre père m’ait autorisé à vous corriger ; mais ce soir vous serez châtié. Et je le mis au séquestre. Que mangea-t-il dans la journée ? je l’ignore, parce que ce soin ne me concerne pas. Après le coucher, le P. Commire vint dans ma chambre, comme il fait chaque jour, pour me rendre compte et conférer s’il y a lieu. Je lui exposai le cas de Ségéral, et luis dis que j’avais autorisation du père de le corriger manuellement.M. PRÉSIDENT : M. Ségéral conteste cela formellement. Il déclare qu’un jour qu’il y avait eu parmi vos élèves une sorte de manifestation, il a dit à son fils devant vous que s’il prenait part à des désordres, il viendrait le corriger lui-même ; et que son fils étant ensuite retourné à son étude, il vous recommanda au contraire de le traiter avec douceur, parce que vous n’obtiendriez de bons résultats que par ce moyen-là. — R. Je maintiens ce que j’ai dit. J’avais reçu de M. Ségéral une autorisation formelle, et qu’il n’a même pas niée lorsque, le jour où il a ramené son fils, je le lui ai rappelé.D. Et sur le fait de violence en lui-même, qu’avez-vous à dire ? — R. Ce fait m’est étranger. C’est celui du P. Commire.D. Mais n’aviez-vous pas donnez l’ordre de battre l’enfant, et lorsque l’enfant s’est réfugié dans votre chambre, ne l’avez-vous pas remis entrer les mains du P. Commire pour qu’on achevât la correction ? — R. Je n’ai pas donné l’ordre au P. Commire et je suis resté étranger à la correction. L’enfant est, à la vérité, venu dans ma chambre ; j’étais alors occupé à lire, et je me suis contenté de lui enjoindre par un signe de retourne à son séquestre.D. Vous êtes également complice du fait de Connat ? — R. Cet enfant avait poussé des cris perçants dans le réfectoire et le vestibule qui y conduit. Je le menai au séquestre. Dans la journée je lui portai du pain ; il me reçut si mal que je ne lui donnai pas. C’est ainsi qu’il resta douze heures sans nourriture. Le soir, vers huit heures, et non pas vers neuf heures, comme on l’a prétendu par exagération, le P. Commire lui administra une correction avec un morceau de cravache par-dessus ses vêtements. J’avais dit au P. Commire : Cet enfant se vante qu’aucune correction ne viendra à bout de lui ; il peut être bon de lui infliger celle-là.D. Mais, monsieur, est-ce que douze heures de cachot et de privation d’aliments n’étaient pas suffisants ? — R. Monsieur le président, je ne puis qu’exprimer mes regrets.D. Notez que les coups ont été portés très violemment, de manière à laisser des traces et à causer, pendant plusieurs jours, une douleur sensible. — R. Ceci est de trop. L’enfant m’a affirmé qu’il n’avait pas souffert.D. Et le fait de Montfort ? — R. Il a été exagéré. De Montfort n’a pas reçu soixante coups de discipline, et ce qu’il en a reçu, il l’avait demandé. C’est un enfant très singulier, très extraordinaire. Il lui arrivera, par exemple, au réfectoire, à l’étude, au milieu du silence, d’entonner la Préface de la Messe, ou le Kyrie eleison. Sa nature ne se peut comparer à aucune autre. La correction qu’il avait accepté l’a rendu beaucoup plus docile.D. Mais, monsieur, en encourageant des enfants de cette sorte, en vous prêtant à leur caprices, vous ne pouvez que dépraver leur imagination et affaiblir leur corps. Un de vos élèves est resté douze heures sans nourriture, et vous le frappez ensuite ! Un autre accepte ou demande de recevoir soixante coups de discipline, et vous les lui appliquez ! — R. Je déplore tout cela, je le regrette, et d’autant plus vivement qu’en m’y prêtant je désobéissais à ma règle et à mon supérieur.D. Expliquez-vous sur le fait de Longat. — R. Je ne sais si on a frappé de Longat. Mais j’affirme ne l’avoir pas frappé moi-même et n’avoir pas ordonné qu’on le frappât. Je me rappelle seulement l’avoir mis au séquestre.D. De Longat a raconté, au commencement de l’instruction, que vous l’aviez enfermé dans un cachot infect, cachot autre que celui où Ségéral a été enfermé, et qui servait de déversoir aux Frères. Vous soutenez que là c’est bornée sa punition, et qu’il n’a pas été frappé ? — R. Oui, monsieur : du moins je ne l’ai pas appris.D. C’est donc une habitude de votre maison, que de maltraiter les enfants ; car enfin nous vous voyons tout un attirail d’instruments de correction, et les faits de sévices se sont multipliés à ce point que vous auriez dit au jeune de Connat, qui en a déposé : « Il y en a d’autres que vous qui ont été fouettés, mais ils ne s’en vanteront pas. » — R. Je nie avoir tenu ce propos. Il est malheureusement vrai que j’ai permis plusieurs corrections. J’ai en ceci méconnu les volontés de mon supérieur et de la régie. J’ai agi de ma propre initiative. L’année dernière, le R. P. Roux m’en fit même l’observation à deux ou trois reprises. J’ai persisté quand l’occasion me l’a suggéré, inspiré par l’intérêt des enfants. J’avoue que je me suis trompé et je le déplore.D. Dès 1863, ces habitudes semblent avoir été celles de la maison, puisque le jeune Maydieu, à cette époque, a été appréhendé et fouetté, sur l’ordre du sous-préfet des études, par un homme armé d’un bâton et masqué. — R. Non, monsieur, ce n’étaient pas les habitudes de la maison. Le fait que vous citez m’est étranger, et je puis dire que ces corrections ont été introduites par moi contre la volonté du R. P.. Roux, qui les ignorait ou les blâmait.M. LE PRÉSIDENT : Monsieur Roux, dites-nous vos nom, prénoms et qualités, et fournissez telles explications qu’il vous plaira. Vous êtes assigné comme civilement responsable des actes de vos subordonnés. — R. Je me nomme Jean Roux, âgé de moins de quarante ans, recteur de l’Ecole de Tivoli. Je n’ai aucune explication à fournir, sinon que j’ai ignoré les faits qui vous sont soumis lorsqu’ils ont eu lieu, et que, quand je les ai connus, je les ai blâmés et désavoués, comme contraires à notre règle et à ma volonté. Je dois ajouter toutefois que je ne doute pas des intentions de mes subordonnés, qui en se trompant, ils le reconnaissent aujourd’hui, ont toujours agi en vue de ce qu’ils croyaient être l’intérêt des enfants.Il est trois heures, l’audience est suspendue.A la reprise, Me Émile Durier a soutenu la plainte de M. Ségéral, et a, pendant une heure environ, tenu l’auditoire sous le charme de sa parole élégante, précise, puissante dans sa modération.Me de Sèze a répondu avec son talent et sa chaleur habituels. M. le procureur impérial a prononcé un réquisitoire remarquable de mesure et de fermeté, et, après une délibération d’environ vingt minutes, le tribunal a rendu un jugement qui condamne les sieurs de la Julie et Commire, chacun à dix jours d’emprisonnement, et le P. Roux, solidairement avec les deux autres à 300 fr. de dommages-intérêts envers M. Ségéral.L’audience a été levée à six heures.Réf. bibl.TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE LA SEINEIl y a une dizaine de jours, un individu se présentait au magasin de Sainte-Cécile, rue du Bac, et demandait à parler à Mlle Maria Courtin, employée de cette maison ; ou la fait appeler, et l’individu lui remettait une lettre ainsi conçue :Ma chère et bonne enfantJe te dirai que je suis dans le plus grand besoin. Voilà trois jours que je neit rien pris et j’ai faim je suis même au lit car je souffre d’ennui et de besoin j'ai coucher 2 jour dehors est un pauvre monsieur que je t’envoie qui m’a recueillie enfin je suis poussé à la dernière extremité je me recommande à toi tache me prête 5 francs ausitôt que je travaillerai je te les remetterez demande les a tes ami ou à ta maîtresse je conte sur toi ou je serai obligé de me faire transporter à la préfecture.Je t’embrasse de tous cœur ton pauvre et malheureux père. Jules COURTINTout émue à la lecture de cette lettre, Mlle Courtin interroge le porteur ; celui-ci confirme qu’il a, en effet, recueilli son père malade et malheureux ; il reçoit les 5 fr. demandés et se retire.Le lendemain, un nouvel individu se présente au même magasin et demande, lui aussi, à parier à Mlle Maria ; cette demoiselle accourt. « Voici, lui dit-il, une lettre de mon frère, le jeune homme qui est venu hier. » La jeune fille ouvre la lettre et lit ce qui suit :Mademoiselle Maria,Ne pouvant me présenter moi-même, je vous envoie mon frère. Je vous dirai que j’ai conduit M. vautre père à l’hotelle Dieu, il est sal Saint Marte, lits n° 44, M. Maison neuve docteur me dit qu’il a été bien mal, je lui ai achetée une chemise de 3 francs un gilet d’occasion de 1 fr. 10 centimes maintenant j’ai 3 francs de visite, 2 francs de voiture et 1 fr. 50 c. que je lui ai donner seulement je vous dirais que je suis jainé et il m’a recommandé de vous demandé le reste il reste dû 7 fr. 75 c.Je conte sur vous car j’ai ma mère et mon frère à soutenir je ferai pour M. vautre père tout ce que je pourrai,Je vous salut. Louis MOURAUXLe jour suivant, troisième jeune homme qui vient demander Mlle Courtin : « Mademoiselle, lui dit-il, j’ai à vous apprendre une triste nouvelle : votre pauvre père est mort la nuit dernière, l’enterrement a lieu demain à telle heure. »La pauvre fille était anéantie par cette nouvelle si subite et si imprévue : Voici, ajoute le funèbre émissaire, un billet à ordre de 45 fr. que votre père avait souscrit au jeune homme que vous avez vu hier, qui l’avait recueilli comme vous savez, et qui lui avait prêté de l’argent ; il n’a pu venir lui-même, voulant rester à veiller le corps de votre pauvre père ; mais il est très gêné, et si vous pouviez seulement me remettre 30 fr. pour lui, à-compte sur les 45 fr., cela l’obligerait.Mlle Maria, tout à sa douleur, répond qu’elle règlera cette affaire dans quelques jours, puis elle court avertir ses deux sœurs de la perte qu’elle vient de faire. Elle commande trois chapeaux de deuil pour le lendemain, puis se rend rue de Sartines, au siège de la société des garçons boulangers, dont son père faisait partie, afin de savoir comment il se faisait qu’on l’avait laissé mourir de misère.On ne savait pas du tout ce qu’elle voulait dire, et elle se mettait en devoir de leur raconter les faits ci-dessus rapportés, quant tout-à-conp elle jette un cri d’épouvante : c’était son père, bien portant, qu’elle venait de voir entrer !Elle lui apprend ce qui se passait, et le père Courtin reconnaît dans le premier émissaire un nommé Huon, demeurant dans le même garni que lui, et auquel il avait indiqué, en causant, le magasin où elle était employée.Mlle Maria retourne à sa maison. A peine y était-elle arrivée, que Huon se présente à elle et s’informe si quelqu’un n’était pas venu la voir de sa part.La jeune fille fait un signe à ses patrons, auxquels elle avait raconté toute l’histoire qu’on connaît ; ceux-ci envoient chercher des sergents de ville, et Huon est arrêté. On connut par lui les deux autres : c’étaient un nommé Vergne et un nommé Quiedeberge.On les arrêta, et les voici en police correctionnelle.Huon avoue tout et prétend que l’argent a été dépensé entre lui et ses complices. Vergne soutient qu’il n’a rien reçu. — J’ai, dit-il, porté une lettre sans savoir de quoi il s’agissait.Quiedeberge prétend également avoir joué un rôle sans avoir conscience de ce qu’il faisait. Il soutient avoir remis les 6 fr. à Huon et n’avoir rien reçu pour sa part.HUON : Nous avons mangé l’argent ensemble.M. LE PRÉSIDENT, à Quiedeberger : Vous prétendez que vous ne savez pas ce dont il s'agissait ; mais vous avez dit à Mlle Courtin que son pèere était très malade.VERGNE : Parce que Huon me l'avait dit.M. LE PRÉSIDENT : Et vous, Vergne, vous avez annoncé à cette demoiselle la mort de son père ?VERGNE : Parce que Huon me l’avait dit. Mlle Marie Courtin a confirmé les faits rapportés plus haut.Le tribunal a condamné Huon et Vergne chacun à six mois de prison, et Quiedeberge à deux mois.On lit dans le Publicateur de Louviers :Il n’est bruit en ce moment, à Louviers, que de l’agression dont M. Guillou commissaire de police de cette ville, a été victime de la part de deux repris de justice, les nommés Poret et Val.M. Guillou suivait avec sa femme la route d’Evreux, lorsqu’à la hauteur du château de Saint Hilaire il se croisa avec deux individus dont l’un, le nommé Poret, se tenait d’une façon tellement indécente, que M. Guillou lui adressa à ce sujet quelques observations qui furent très grossièrement accueillies.M. Guillou crut devoir alors décliner sa qualité de commissaire de police ; il n’avait … sur lui

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