Il est tellement insupportable, si navrant de subir pareille lec-
ture, qu’on rit encore. La pitié l’emporte sur le dégoût.
A ce propos, il nous vient une idée... que diable, sa majesté
Louis XV pouvait-elle avoir fait à M. Capefigue, pour qu’il vînt la
tirer du lit de débauches et d’infamies dans lequel elle reposait
si
bien ! Mais non, c’est tout bonnement le pavé de l’ours.
Que diable alliez vous faire dans celle galère ?
Si on voulait citer les faits controuvés, les erreurs flagrantes
et de parti pris, on citerait tout. N’ayez pas peur,
belles lectrices
et chers lecteurs, comme dit Alex. Dumas, notre grand maître ;
non, encore quelques lignes, et ce sera tout.
Sautons s’il vous plaît à la bataille de Fontenoy. Après avoir
démontré que Mme
de Pompadour était le plus grand diplomate de
tous les temps, après nous avoir montré Voltaire se jetant
en larmes
aux genoux du roi en plein Opéra, après le récit du Temple de la
Gloire, féerie
assez plate de son crû (à Voltaire), en lui criant :
« Trajan, vous reconnaissez-vous ? » M. Capefigue vous conduit
aux camps, dans les fêtes qui s’y donnaient ; il nous raconte les
amours
de Mme
Favart avec le maréchal de Saxe... puis.
« Favart (le mari) faisait les couplets que l’on chantait ; la
pièce que l’on jouait entre deux batailles.
Qui ne reconnaît les
favorites de Louis XV, et le caractère du roi qui voulait être aimé
et amusé. » — Le
pauvre homme !
Voulant vous épargner, pris de compassion pour vous qui vou-
lez bien nous lire, nous en passons, et des meilleurs. — Encore
une citation relative Ă Mme
du Barry, et ce sera tout :
— Enfin !
— Je le comprends. — Mais ce ne sera pas long. — Bien sûr ?
— Parole de Mousquetaire.
Après plusieurs tâtonnemens dictés par la politique, la balance
pencha pour une jeune et belle femme, la comtesse du
Barry.—
Le roi avait eu à lutter contre beaucoup d’obsessions ; le duc de
Choiseul voulait bien que le
roi eût une favorite, mais à la con-
dition qu’elle fût prise de sa main.
« Le duc avait fait des démarches ; pour assurer ce sceptre à la
» duchesse de Grammont, la belle et noble duchesse espéra quel-
»que temps attirer las regards du roi, mais elle ne put l’obtenir ;
» Louis XV repoussait de son intimité une dame d’illustre mai-
» son. »
Le fait est que, l’ambition mise de côté, il devait inspirer beau-
coup d’affection, ce roi qui, regardant de son balcon de Ver-
sailles jeter à la hâte dans un fourgon les restes de Mme
de Pom-
padour, disait à ses courtisans en voyant le ciel s’obscurcir : —
« Je crains que cette chère
marquise n’ait mauvais temps pour
» partir... »
Mme
Jeanne Vaubernier, née à Vaucouleurs, fut fort attaquée *
par le parti Choiseul, attaquée d’une façon bien injuste, car c’était
une perfection, douce, belle et bonne,
elle vint Ă Paris, et fut ad-
mise chez une marchande de modes sous le nom de Mlle
Lange.
« Rien ne prouve ces transformations, ces passades d’amans
» (mot un peu leste dans une histoire, monsieur Capefigue, mais
» le sujet prĂŞte) ces dissolutions de la grisette au petit carton, Ă
» la cornette de dentelle ! Mais les ponts-neufs et les chansons de
»
M. de Maure pas les ont attestées, et on a dû les croire et les ad-
» mettre comme historiques. Voilà que, tout à coup, cette ma-
» demoiselle Lange, pauvre et dissolue, devient la femme du
» comte du Barry, d’une bonne et noble race. »
Nous arrĂŞtons lĂ nos citations. Deux mots seulement sur la
bonne et noble race des du Barry. Voici l’opinion des
mémoires
du temps sur le mari (coterie Choiseul sans doute, mais j’y
crois) : « M. le comte du Barry portait de gueules écartelées de
» trois coups de pied au c…, comme voleur de brelans et tri-
» pots. »
Bachaumont cite dans ses Mémoires secrets une chanson de
M. le vicomte Jean du Barry, son beau-frère, et faite contre elle
pendant un moment de brouille. La
voici :
Air de la Rosière.
Drôlesse !
Où prends-tu donc ta fierté ?
Princesse !
D’où te vient ta dignité ?
Si jamais ton teint se fane ou se pèle,
Au train de.....,
Le cri du public te rappelle,
Drôlesse ! etc.
Lorsque tu vivais de la messe
Du moine, ton père Guignard,
Que la Ramson volait la graisse
Pour joindre Ă ton morceau de lard,
Tu n’étais pas si fière,
Et n’en valais que mieux.
Baisse la tête altière
Du moins devant nos yeux.
Ecoute-moi, rentre en toi-mĂŞme
Pour éviter de plus grands mots,
Permets à qui t’aime, qui t’aime,
De t’offrir encore des sabots,
Drôlesse !
Mon esprit est-il baissé ?
Princesse !
Te souvient-il du passé ?
Je vous donne la chanson pour ce qu’elle est et la haute et no
ble maison du Barry pour ce qu’elle vaut.
A dire vrai, tous ces gens lĂ se valent.
Quant Ă un jugement sur ce livre, le fond est tellement mau-
vais qu’on ne peut pas en apprécier la forme.
H. S. DONDEY-DUPRÉ
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