BIBLIOGRAPHIE
–Catalogue des livres, écrits et dessins de toute sorte, condamnés, supprimés ou poursuivis depuis le 21 octobre 1814 jusqu’au 31 juillet 1877. ― Fernand Drujon. ― Livraisons 1 et 2, grand in-8°, Édouard Rouveyre, éditeur, 1, rue des Saints-Pères.On peut juger à ce titre de la largeur du champ d’études choisi par l’auteur. Si nos tribunaux français ont eu depuis soixante ans un défaut, ce n’a pas été de laisser tomber en désuétude les lois sur la presse. Les condamnations ont été nombreuses. Notre catalogue les comprend toutes, non-seulement celles des livres, mais celles des journaux, des brochures, voire même des dessins et des affiches, non-seulement celles d’ouvrages écrits depuis 1814, mais celles d’ouvrages antérieurs qui ont depuis été condamnés, soit à raison de réimpression, soit tout simplement par suite de saisies pratiquées chez les libraires. Mais le plan de l’auteur ne comprend pas que les écrits condamnés : il comprend aussi les poursuivis ; car il y a eu des écrits poursuivis qui ont été acquittés, par exemple : À bas les Calicots ! une brochure publiée en 1861, qui, apprenons-nous par le catalogue, fut envoyée aux tribunaux par une vingtaine de commis comme injurieuse pour la corporation des em ployés de commerce ; il comprend aussi des écrits qui ont été supprimés sans ... tion judiciaire comme beaucoup l’ont été par mesure de police sous la Restauration... certains l’ont été sur avertissement ... par leur auteur, témoin les Diaboliques de M.Monsieur Barbey d’Aurevilly et les BasfondsBas-fonds de la Société de M.Monsieur Henri Monnier. Tout cela rentre dans le cadre de notre livre, et, autant que l’on en peut juger par les deux livraisons que nous avons sous les yeux, le cadre a été bien rempli. J’avouerai avoir toujours éprouvé un goût déterminé pour les catalogues. Un catalogue de quelque étendue, bien composé, orné d’une quantité suffiantesuffisante de notes et de renvois est presque toujours au fond, sous une apparence modeste, un fragment de dictionnaire d’histoire et de littérature. À raison de sa nature spéciale, le dictionnaire publié par M.Monsieur Rouveyre n’est pas un fragment de dictionnaire, c’est un dictionnaire tout entier, le dictionnaire de la littérature secrète, le répertoire des fonctionnaires qui sont notre congrégation laïque de l’index. Jugez de l’intérêt. C’est le plus amusant, et parfois le plus attristant des pêle-mêle. À côté des articles de journaux politiques, les gravures obscènes éd téeséditées par des négociants peu scrupuleux pour la joie des vieillards et des lascifs collégiens. Auprès des livres de l’ancien régime qui ne sont que lubriques, ceux qui furent en même temps des pamphlets et gardent un intérêt historique comme les Amours de Louis le Grand et de MlleMademoiselle du Tron, ouvrage aussi libre que satirique contre Louis XIV, MmeMadameMme de Maintenon et le Père Lachaise et le Cadran des plaisirs de la Cour, une des multiples satires provoquées par l’amitié suspecte de Marie AntoinetteMarie-Antoinette et de MmeMadameMme de Polignac. On peut aussi remarquer dans ce livre les variations de la morale publique, en vertu de laquelle on condamne : nous ne parlons pas seulement des emblèmes séditieux en 1823, apothéose de Bonaparte et portraits de la famille impériale devenus licites après 1830 et officiels en 1852. Nous parlons de simple littérature : avant d’être réimprimés librement dans toutes les éditions des œuvres de Diderot, les Bijoux indiscrets ont été condamnés par les tribunaux, organes de la pudeur publique. Une nouvelle de Théophile Gautier, publiée à l’époque romantique dans un livre qui n’a jamais été poursuivi, et qui a été rééditée librement à Paris il y a trois à quatre ans, a, dans l’intervalle, été condamnée comme contraire aux bonnes mœurs. Pour ceux qui douteraient, le livre s’appelle la Jeune France et la nouvelle Celle-ci ou Celle-là . Voilà sans doute un bel exemple de la stabilité de cette morale publique au nom de laquelle on régente nos lectures. C’est nous qui faisons ces réflexions. L’auteur du Catalogue, M.Monsieur Fernand Drujon, se contente d’en donner les éléments. Nous n’aurions garde de lui reprocher cette réserve, pas plus que de chercher en quel sens certaines de ses appréciations s’écarteraient des nôtres. Il a fait un livre intéressant, curieux, utile, ne présentant qu’en petit nombre des lacunes et des erreurs que nous indiquerons une autre fois. Pour aujourd’hui, nous nous contentons de signaler le grand intérêt et la bonne exécution générale de son curieux Catalogue.Réf. bibl.
–Catalogue des livres, écrits et dessins de toute sorte, condamnés, supprimés ou poursuivis depuis le 21 octobre 1814 jusqu’au 31 juillet 1877. ― Fernand Drujon. ― Livraisons 1 et 2, grand in-8°, Édouard Rouveyre, éditeur, 1, rue des Saints-Pères.On peut juger à ce titre de la largeur du champ d’études choisi par l’auteur. Si nos tribunaux français ont eu depuis soixante ans un défaut, ce n’a pas été de laisser tomber en désuétude les lois sur la presse. Les condamnations ont été nombreuses. Notre catalogue les comprend toutes, non-seulement celles des livres, mais celles des journaux, des brochures, voire même des dessins et des affiches, non-seulement celles d’ouvrages écrits depuis 1814, mais celles d’ouvrages antérieurs qui ont depuis été condamnés, soit à raison de réimpression, soit tout simplement par suite de saisies pratiquées chez les libraires. Mais le plan de l’auteur ne comprend pas que les écrits condamnés : il comprend aussi les poursuivis ; car il y a eu des écrits poursuivis qui ont été acquittés, par exemple : À bas les Calicots ! une brochure publiée en 1861, qui, apprenons-nous par le catalogue, fut envoyée aux tribunaux par une vingtaine de commis comme injurieuse pour la corporation des em ployés de commerce ; il comprend aussi des écrits qui ont été supprimés sans ... tion judiciaire comme beaucoup l’ont été par mesure de police sous la Restauration... certains l’ont été sur avertissement ... par leur auteur, témoin les Diaboliques de M.Monsieur Barbey d’Aurevilly et les BasfondsBas-fonds de la Société de M.Monsieur Henri Monnier. Tout cela rentre dans le cadre de notre livre, et, autant que l’on en peut juger par les deux livraisons que nous avons sous les yeux, le cadre a été bien rempli. J’avouerai avoir toujours éprouvé un goût déterminé pour les catalogues. Un catalogue de quelque étendue, bien composé, orné d’une quantité suffiantesuffisante de notes et de renvois est presque toujours au fond, sous une apparence modeste, un fragment de dictionnaire d’histoire et de littérature. À raison de sa nature spéciale, le dictionnaire publié par M.Monsieur Rouveyre n’est pas un fragment de dictionnaire, c’est un dictionnaire tout entier, le dictionnaire de la littérature secrète, le répertoire des fonctionnaires qui sont notre congrégation laïque de l’index. Jugez de l’intérêt. C’est le plus amusant, et parfois le plus attristant des pêle-mêle. À côté des articles de journaux politiques, les gravures obscènes éd téeséditées par des négociants peu scrupuleux pour la joie des vieillards et des lascifs collégiens. Auprès des livres de l’ancien régime qui ne sont que lubriques, ceux qui furent en même temps des pamphlets et gardent un intérêt historique comme les Amours de Louis le Grand et de MlleMademoiselle du Tron, ouvrage aussi libre que satirique contre Louis XIV, MmeMadameMme de Maintenon et le Père Lachaise et le Cadran des plaisirs de la Cour, une des multiples satires provoquées par l’amitié suspecte de Marie AntoinetteMarie-Antoinette et de MmeMadameMme de Polignac. On peut aussi remarquer dans ce livre les variations de la morale publique, en vertu de laquelle on condamne : nous ne parlons pas seulement des emblèmes séditieux en 1823, apothéose de Bonaparte et portraits de la famille impériale devenus licites après 1830 et officiels en 1852. Nous parlons de simple littérature : avant d’être réimprimés librement dans toutes les éditions des œuvres de Diderot, les Bijoux indiscrets ont été condamnés par les tribunaux, organes de la pudeur publique. Une nouvelle de Théophile Gautier, publiée à l’époque romantique dans un livre qui n’a jamais été poursuivi, et qui a été rééditée librement à Paris il y a trois à quatre ans, a, dans l’intervalle, été condamnée comme contraire aux bonnes mœurs. Pour ceux qui douteraient, le livre s’appelle la Jeune France et la nouvelle Celle-ci ou Celle-là . Voilà sans doute un bel exemple de la stabilité de cette morale publique au nom de laquelle on régente nos lectures. C’est nous qui faisons ces réflexions. L’auteur du Catalogue, M.Monsieur Fernand Drujon, se contente d’en donner les éléments. Nous n’aurions garde de lui reprocher cette réserve, pas plus que de chercher en quel sens certaines de ses appréciations s’écarteraient des nôtres. Il a fait un livre intéressant, curieux, utile, ne présentant qu’en petit nombre des lacunes et des erreurs que nous indiquerons une autre fois. Pour aujourd’hui, nous nous contentons de signaler le grand intérêt et la bonne exécution générale de son curieux Catalogue.Réf. bibl.